Flavigny sur Moselle.

Les communes de la Meurthe, journal historique des villes, bourgs, villages, hameaux et censes de ce département, par Henri Lepage. 1853.

Le village de Flavigny, auquel une ordonnance royale du 30 mai 1847, a rendu le nom de Flavigny-sur-Moselle, qu'il portait autrefois, remonte à une époque éloignée : une charte de Bérenger, évêque de Verdun, de l'an 952, imprimée dans les preuves de l'Histoire de Lorraine de Dom Calmet, mentionne l'église, la chapelle, les moulins de Flavigny et la pêche sur son ban, parmi les biens que cet évêque donna à l'abbé Humbert pour fonder l'abbaye de Saint-Vanne de Verdun (Flaviniacam villam cum ecclesia et capella j, et molendinis, et pratis, et sylvis et cum mansis xxvj). Il résulte de ce passage que Flavigny comptait déjà, au milieu du Xe siècle, vingt-six manses ou habitations, lesquelles étaient du domaine des évêques de Verdun, plus une église et une chapelle, près desquelles devait s'élever bientôt une nouvelle église. En effet, le corps de saint Firmin, ayant été découvert miraculeusement, vers 959, dans l'église de Saint-Vanne, l'abbé Humbert demanda et obtint qu'il fût transféré à Flavigny. Celle cérémonie fut fixée au jour de la Pentecôte. " Brunon, archevêque de Cologne, et Einolde, abbé de Gorze, s'y trouvèrent, dit Dom Calmet, avec l'évêque de Verdun. Après la messe solennelle célébrée à Saint-Vanne, l'évêque Bérenger, en habits pontificaux, mit la châsse de saint Firmin sur les épaules des clercs, qui la portèrent en procession par toutes les principales rues de la ville, puis on la conduisit à une lieue de Verdun, à un village où était marquée la première station.... De là il fut porté à Pagny-sur-Meuse, puis à Trondes, à Foug, et enfin à Toul, où l'évêque saint Gérard reçut le sacré corps à la tête de son clergé, avec toute la vénération et le respect qui lui étaient dus. Il le déposa dans l'église de l'abbaye de Saint-Epvre.... Le lendemain au matin, le saint évêque se trouva encore avec son clergé pour conduire le corps au bord de la Moselle, où on devait l'embarquer pour le passer au-delà de la rivière. La multitude qui remplissait le bateau, et son empressement, faillirent à le submerger. A la vue du péril, tous ceux qui étaient sur les bords élevèrent leurs voix et crièrent au secours du Saint. Ils furent exaucés, et le bateau arriva heureusement à bord. On déposa le Saint dans l'église de Dommartin, situé sur la hauteur voisine. Delà on vint à Chaligny, puis à Ludres, et enfin à Flavigny, où il fut placé sur le coin du grand autel de l'église de Saint-Hilaire, qui est la paroisse du lieu. Bientôt on lui bâtit une église, qui est celle du prieuré de Flavigny, où il est conservé dans une châsse de cuivre très-propre, ornée d'argent et de pierreries. "

Tel est le récit que fait Dom Calmet de la translation des reliques de saint Firmin, de Verdun à Flavigny, mais il ne fixe pas la date précise de la fondation du prieuré qui s'éleva dans ce lieu ; je n'ai trouvé non plus aucun document qui permette de la préciser ; il est probable, toutefois, qu'elle suivit de près la translation du corps du saint évêque de Verdun.

Quoiqu'il en soit, les prieurs de Flavigny devinrent, sans doute en vertu de la donation de l'évêque Bérenger, possesseurs d'une grande partie de ce village ; d'autres dons leur furent encore faits dans les siècles suivants, tant dans cette localité que dans les localités voisines.

En 1142, Henri de Lorraine, évêque de Toul, confirme la donation que Pibon, son prédécesseur, avait faite à l'église Saint-Firmin, c'est à dire au prieuré de Flavigny, d'une partie de l'église Saint-Hilaire du même lieu. En 1177, Pierre de Brixey, aussi évêque de Toul, confirme la donation d'une autre partie de l'église Saint-Hilaire, faite au prieuré par Olry de Damelevières et Odille, sa femme. Deux ans après, le même évêque donne une charte qui règle les droits des seigneurs voués de Flavigny.

Une charte de l'an 1213, confirmative des biens de ce prieuré, et que Dom Calmet attribue, par erreur, à l'évêque Henri (mort en 1167), mentionne, parmi ces biens : les cures de Neuviller et de Maizières, la moitié de celle d'Essey-lès-Nancy, le four banal de Lorey et une vigne au même lieu, l'alleu de Houdemont, une partie de l'église de Vaudeville, etc.

En 1256, le duc Ferry déclare qu'il n'a rien en la ville ni sur les hommes de Flavigny, " sors que quand il geit (couche) en la prioré, cil qui menent avec lui ont an la ville le foen et l’estrain por os et por lor chivaus. "

En 1292, le même duc assigne au prieuré de Flavigny les dix sous toulois de commendises que la ville d'Aizilloi (Azelot) lui devait chacun an à la Saint-Remy, et le droit " que li hommes S. Firmin d'Aizilloi " lui devaient aussi chacun an, " c'est assavoir chacun ostels (chaque maison) où il y ait hommes quatre deniers toullois, et li ostels où il y ait une femme dous deniers toullois, en recompensation et en nom de restitution de tous les dommaiges et de toutes les grevances qui ont esté faites pour chief de moy ou par mon commandement de cest jour en arieres à la priorei de Flavignei et as appendices et as appartenances par tout, soit pour les guerres que j'ai ehu, soit pour mon besoin en autre maniere et pour le salut de mon ame et de mes antecessours. "

En 1243, Gérard de Bazoille, prieur de Flavigny, achète de Regnault, dit d'Alze, écuyer, et de Marguerite d'Acraignes, sa femme, tous les droits, raison et action qu'ils avaient en la vouerie de Flavigny, qui mouvait de l'abbé de Saint-Vanne de Verdun, pour 75 florins de Florence.

Par une lettre datée du 4 août 1362, le duc Jean prend sous sa sauvegarde et protection les habitants des deux villes de Flavigny, la Grande et la Petite, moyennant que chaque chef d'hôtel lui paiera annuellement 2 sous de fors et un imal d'avoine et les veuves 12 deniers et un demi imal, " et seront tenus lesdits habitants de aller à cri toutes fois que on hucheront aux armes de par nous et par nos hoirs. "

En 1547, le prieur Vary de Lucy fait une fondation de sept vingt francs par année, en faveur de cinq filles pauvres de Flavigny.

Les droits dont jouissaient les prieurs de Flavigny en qualité de seigneurs de ce lieu, et les servitudes auxquelles étaient soumis les habitants sont exposés dans des titres de différentes époques, que je vais rappeler sommairement. Le plus ancien est de 1357 ; on y voit que les habitants devaient chaque année au prieur 40 sous pour leur contribution personnelle, et en signe de servitude.

En 1392, un nommé Poirilet se reconnaît homme-lige du prieur de Flavigny et donne 5 gros tournois par an pour la permission à lui accordée d'aller demeurer dans une autre seigneurie. Pareille reconnaissance eut lieu, en 1395, de la part d'un nommé Mougins et d'Onzaine, sa femme, lesquels offrent 6 gros tournois par an pour pouvoir aller demeurer pendant six années hors de la seigneurie, en payant, en outre, les cens, droitures et redevances dus annuellement par leurs héritages.

A la suite d'un accord fait, en 1400, entre le prieur et les habitants de Flavigny, ceux-ci obtinrent, moyennant 3 gros tournois d'argent et 16 deniers, monnaie de Lorraine, d'avoir des fours en leurs maisons, " sans pouvoir cuire de pain pour vendre ni à foire ni à marché, ni prendre du bois dans les bois du prieuré forsque en Lessocq et en la Wervexeulle. "

On lit dans une sentence arbitrale rendue en 1495, entre le prieur et les habitants de Flavigny : " Les arbitres ont dit et déterminé que ledit prieur et ses successeurs sont et seront tenus, ores et pour l'advenir, à toujours mais, fournir et mettre ung missel à chanter et dire messe en l'église parochiale dudit Flavigny, bon et suffisant au regard de gens ad ce cognoissans, et que le marlier d'icelle paroche ne sera tenu à nul jour mais aller sonner les cloches du prieuré s'il ne luy plaist et bon luy semble. "

On trouve, dans des registres de comptes, les particularités suivantes :

" Le seigneur de Flavigny prend les deux parts ès grosses offrandes de la cure, à trois journées l'année, à la Toussaint, à Noël et à Pasques, et de ce rend compte l'échevin de l'église.

" Tous ceux de Flavigny, chefs d'hostels, qui vont de vie à trespas, doivent chacun 40 deniers, que l'on dit pour le trental.

" Les gros dixmes des trois villages de Flavigny sont audit seigneur prieur seul et pour le tout, sauf 23 resaulx bled et autant aveine, mesure de Nancy, accordés au sieur curé pour sa pension, lesquels il doit prendre à la grange.

" Le ponthon qu'on appelle la grande nef (bac), qu'est le passage de la rivière de Flavigny, est au seigneur prieur seul pour le tout, et sont tenus les habitants de fournir la grande nef et la mettre sur l'eau à leurs frais quand il en faut une autre, mais ledit seigneur la doit faire ferrer, et est à lui la vieille en tous les profits d'icelle, par ainsi que lesdits habitants doivent passer et repasser pour rien. "

On lit dans la Déclaration de 1738 : " La communauté jouit de la quantité de 1,350 arpents de bois taillis, desquels se fait tous les ans une coupe de 70 arpents, qui se partage par portions égales et au sort entre les habitants. Leur titre, pour la jouissance desdits bois, est de l'an 1343. "

Il paraît que le village de Flavigny eut beaucoup à souffrir pendant les guerres du XVIIe siècle, car on trouve la mention suivante dans les comptes du receveur du domaine de Nancy, pour l'année 1642 : " Chacun conduit des trois Flavigny (les trois parties dont se compose la commune) doit chacun an un gros 8 deniers, desquels il n'a été reçu aucune chose depuis les guerres à cause de la pauvreté et misère desdits lieux. " Les religieux du prieuré, craignant le pillage des bandes ennemies, firent transporter, dans l'église du couvent de Sainte-Croix de Nancy, la châsse qui contenait les reliques de saint Firmin. Je ne sais si l'on doit faire remonter à cette époque la dégradation de l'église et des bâtiments conventuels des Bénédictins, toujours est-il qu'on trouve dans leurs comptes, à partir de la fin du XVIIe siècle, la mention de sommes considérables pour rétablir et en mème temps agrandir leur église et leur couvent, lesquels furent vendus comme propriété nationale le 27 juin 1796.

Le pressoir banal du village avait été également ruiné, et ce dernier ne comptait, en 1709, qu'environ

45 habitants. Il y avait 203 feux en 1768.

Le prieuré de Flavigny était gouverné par un prieur titulaire et par un prieur conventuel ; le premier avait obtenu, au mois de mai 1732, une bulle de Clément V qui lui permettait de porter la mitre, l'anneau, le bâton pastoral et les autres insignes pontificaux au-dedans et au-dehors de son église. La communauté se composait ordinairement de onze religieux ; le revenu était de 9,000 livres et la mense conventuelle de 20,000. Les Bénédictins possédaient, outre les reliques de saint Firmin, le corps de sainte Emerite et une fiole de son sang, qui leur avaient été donnés par le cardinal Imperiali.

On voit, par la charte (1142) de Henri de Lorraine, évêque de Toul, précédemment rappelée, qu'ensuite de la donation de l'évêque Pibon, les prieurs de Flavigny avaient été mis en possession de la cure de ce lieu ; ils en percevaient les revenus et la faisaient desservir par un vicaire. Dans la suite, il y eut un curé en titre, auquel fut abandonnée une partie de ces revenus mais le prieur titulaire conserva le droit de collation et certains privilèges honorifiques. Ainsi, une sentence de l'Officialité de Toul, rendue en 1694, ordonna que, le jour de la Fête-Dieu, le Saint-Sacrement serait porté par le prieur et les religieux du prieuré en la paroisse, à la porte de laquelle le curé serait tenu de se trouver, revêtu de son surplis, d'une étole et d'une chappe, et l'encensoir à la main, pour le recevoir, et de chanter la messe paroissiale ce jour-là à sept heures du matin au plus tard.

Il y avait, dans la paroisse de Flavigny, une confrérie des Morts, dont M. Begon, évêque de Toul, avait autorisé l'établissement le 16 mars 1739 ; une confrérie de Saint-Firmin, dont il est parlé dans un titre de 1245, existait aussi dans l'église du prieuré.

Outre l'église paroissiale, dite de Saint-Hilaire, la partie de Flavigny nommée la Ville-Haute, enfermait une chapelle que les Pouillés appellent la chapelle de Saint-Antoine. Elle avait été fondée, vers 1534, par Mathieu et Didier Gardaillon et leurs femmes. Elle fut ruinée, puis réédifiée, en 1574, par Mathelin Chavelot, curé de Létricourt, résidant alors au prieuré de Flavigny. Il la fit bénir et consacrer en 1575, en l'honneur de Dieu, de Notre-Dame-de -Pitié, de saint Pierre et de saint Jacques. Le chapelain chargé de la desservir était à la nomination du prieur. Cette chapelle a été vendue comme propriété nationale le 4 juillet 1791.

Flavigny a été érigé en succursale en 1802, avec Richardménil pour annexe. Il y a un vicariat autorisé par ordonnance du 11 août 1857.

Patrons, saint Firmin et saint Hilaire.