Charles Eugène de FOUCAULD de PONTBRIANT, 18581916 (âgé de 58 ans)

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Nom
Charles Eugène /de FOUCAULD de PONTBRIANT/
Prénom(s)
Charles Eugène
Préfixe du nom de famille
de
Nom de famille
FOUCAULD de PONTBRIANT
Note : Frère Charles de Jésus , Père de Foucauld , Bienheureux Charles de Foucauld ; Vicomte de Foucauld
Naissance
Profession
Explorateur et géographe, puis religieux catholique, ermite et linguiste
Naissance d’une sœur
Adresse : 2 quai Anselmann
Fait
Devenu orphelin en 1864, il fut recueilli par son grand-père maternel, le colonel de Morlet.
1864
Fait
Il recueilla ses deux petits-enfants, devenus orphelins
1864
Décès de la mère
Cause : morte au cours d'une fausse-couche
Décès du père
Cause : neurasthénie
Décès de la grand-mère paternelle
Présent(e) : Charles Eugène de FOUCAULD de PONTBRIANT (âgé de 6 ans) — petit-fils
Présent(e) : Marie Mimi de FOUCAULD de PONTBRIANT (âgée de 3 ans) — petite-fille
Note : elle fut frappée d'une crise cardiaque qui la terrassa, tandis qu'elle promenait aux environs de Mirecourt, la ville de ses ancêtres, les deux orphelins qu'elle avait cru menacés par un troupeau de vaches rencontré sur le chemin.
Décès
Guerre
Guerre franco-allemande
de 19 juillet 1870 à 29 janvier 1871
Régime politique
IIIe République
4 septembre 1870
2ème président de la République Française
Adolphe Thiers
31 août 1871
3ème président de la République Française
Patrice de Mac-Mahon
24 mai 1873
4ème président de la République Française
Jules Grévy
30 janvier 1879
Militaire
Note : "Affecté au 4e hussard à Pont-à-Mousson qui, annonçait-on, « allait revenir à Nancy ». En décembre 1880, le 4e hussards qui n’avait pas été transféré à Nancy devint le 4e chasseurs d’Afrique."

"Affecté au 4e hussard à Pont-à-Mousson qui, annonçait-on, « allait revenir à Nancy ». En décembre 1880, le 4e hussards qui n’avait pas été transféré à Nancy devint le 4e chasseurs d’Afrique."
"Il partit pour Sétif" ; "... Il devait éprouver quelques ennuis.
"Une sorte de lassitude l’avait envahi : une vie de désordre dans une fastueuse prodigalité, facilitée par la fortune dont il était pourvu, s’ensuivit qui fit scandale à Pont-à-Mousson d’abord, en Algérie ensuite, ce qui lui valut des observations de ses chefs, puis une sanction grave : il fut rayé des cadres en mars 1881. Il quitta l’armée et s’établit momentanément à Evian où il mena une vie de fêtard. Toutefois, apprenant, en mai 1881, que son ancienne unité allait intervenir pour réprimer une révolte dans le Sud-Oranais, il obtint sa réintégration et son affectation au 4e chasseurs : il s’y montra bon soldat. Il ne resta pas toutefois dans l’armée. Un congé lui ayant été refusé, il donna sa démission qui prit effet le 10 mars 1882."

Mariage d’une sœur
Naissance
Événement
Filleul : Charles de BLIC (âgé de 0 jour) — neveu
5ème président de la République Française
Sadi Carnot
3 décembre 1887
6ème président de la République Française
Jean Casimir-Perier
27 juin 1894
7ème président de la République Française
Félix Faure
17 janvier 1895
8ème président de la République Française
Emile Loubet
18 février 1899
Séparation des Églises et de l’État Française
Loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État
9 décembre 1905
9ème président de la République Française
Armand Fallières
18 février 1906
10ème président de la République Française
Raymond Poincaré
18 février 1913
Décès
Adresse : Sahara algérien
Fait
Béatification par le pape Benoît XVI
13 novembre 2005
Note : Il est commémoré le 1er décembre
Famille avec les parents
père
18201864
Naissance : 27 février 1820 35 22 Mirecourt (88)
Profession : Inspecteur et Conservateur des Eaux et Forêts à StrasbourgStrasbourg (67)
Décès : 9 août 1864
mère
Mariage Mariage1855Strasbourg (67), Bas-Rhin, Grand Est, FRANCE
4 ans
lui
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18581916
Naissance : 15 septembre 1858 38 29 Strasbourg (67)
Profession : Explorateur et géographe, puis religieux catholique, ermite et linguiste
Décès : 1 décembre 1916Tamanrasset
3 ans
petite sœur
18611922
Naissance : 13 août 1861 41 32 Wissembourg (67)
Décès : 27 décembre 1922Barbirey-sur-Ouche (21)
Militaire

"Affecté au 4e hussard à Pont-à-Mousson qui, annonçait-on, « allait revenir à Nancy ». En décembre 1880, le 4e hussards qui n’avait pas été transféré à Nancy devint le 4e chasseurs d’Afrique."
"Il partit pour Sétif" ; "... Il devait éprouver quelques ennuis.
"Une sorte de lassitude l’avait envahi : une vie de désordre dans une fastueuse prodigalité, facilitée par la fortune dont il était pourvu, s’ensuivit qui fit scandale à Pont-à-Mousson d’abord, en Algérie ensuite, ce qui lui valut des observations de ses chefs, puis une sanction grave : il fut rayé des cadres en mars 1881. Il quitta l’armée et s’établit momentanément à Evian où il mena une vie de fêtard. Toutefois, apprenant, en mai 1881, que son ancienne unité allait intervenir pour réprimer une révolte dans le Sud-Oranais, il obtint sa réintégration et son affectation au 4e chasseurs : il s’y montra bon soldat. Il ne resta pas toutefois dans l’armée. Un congé lui ayant été refusé, il donna sa démission qui prit effet le 10 mars 1882."

Fait

Il est commémoré le 1er décembre

Nom

Frère Charles de Jésus , Père de Foucauld , Bienheureux Charles de Foucauld ; Vicomte de Foucauld

Charles Eugène de FOUCAULD de PONTBRIANT a 0 cousin germain connu

Famille paternelle (0)

Famille maternelle (0)

Charles de Foucauld


La fidélité de Charles de Foucauld à la Lorraine

A propos de lettres du futur ermite du Hoggar à sa sœur conservées au Musée lorrain *

par Pierre Marot, le Pays Lorrain, 1988, pp 144-151.

Quelques mois avant sa mort, le Père Jacques de Mahuet, fils aîné du très regretté vice-président de la Société d’archéologie lorraine, le comte Antoine de Mahuet, auquel nous devons tant, nous remit pour le Musée lorrain trois billets de Charles de Foucauld, adolescent, écrits à sa sœur Marie. Mariste, chargé pendant de longues années des bibliothèques de son ordre, et, de ce fait, en contact avec des marchands de livres et d’autographes, il les avait découverts chez l’un d’eux ; il tint à ce qu’ils fussent conservés dans nos collections pour contribuer à y rappeler les années de la jeunesse passées à Nancy de celui qui mourut ermite au Sahara.

A l’occasion de la commémoration du centenaire de la conversion du Père de Foucauld, de son retour à la foi, il nous a paru opportun de signaler l’existence de ces « reliques » qui témoignent de la vie familiale de cet orphelin de père et de mère, qu’avait recueilli, ainsi que sa sœur, son grand-père maternel, le colonel Charles Beaudet de Morlet.

Charles de Foucauld était né à Strasbourg le 15 septembre 1858. La noble lignée des Foucauld était périgourdine : la branche dont Charles était issu avait essaimé dans l’Est de la France. Fils d’un officier qui avait contracté mariage à Metz en 1774, le grand-père paternel de Charles, Charles-Edmond-Armand de Foucauld, né en 1784, inspecteur des forêts à Mirecourt, avait épousé en 1819 la fille d’un dentelier, Clotilde-Eugénie Belfroy, qui avait donné le jour, après avoir perdu un fils, à deux enfants, François et Inès. François, né en 1820, forestier comme son père, épousa à Strasbourg en 1855 Elisabeth, fille d’un officier du génie, le colonel Charles de Morlet, chargé de la surveillance des fortifications de la ville. Celui-ci, issu d’une famille champenoise, s’était attaché à l’Alsace. Ayant perdu très tôt sa femme Catherine Laquiante qui lui avait donné deux enfants, il s’était remarié en 1842 avec Amélie de Latouche. François de Foucauld fut nommé sous-inspecteur des forêts à Wissembourg. Après avoir perdu un fils mort quelques mois après sa naissance, le couple eut deux enfants, un garçon Charles et une fille Marie, dite Mimi, nés respectivement en 1858 et 1861.

Le malheur allait s’acharner sur cet heureux ménage. Frappé par une manière de neurasthénie, François qui avait dû interrompre son activité pour se faire soigner mourut le 9 août 1864. Sa femme était morte, au cours d’une fausse-couche, le 13 mars. Charles et Mimi se trouvaient dans une situation dramatique. On les confia pour un temps à leur grand-mère paternelle qui avait perdu son mari ; celle-ci fut elle-même frappée d’une crise cardiaque qui la terrassa, tandis qu’elle promenait aux environs de Mirecourt, la ville de ses ancêtres, les deux orphelins qu’elle avait cru menacés par un troupeau de vaches rencontré sur le chemin. Le colonel de Morlet, leur grand-père maternel, et sa seconde femme recueillirent les deux enfants et, grâce à la profonde affection qu’ils leur témoignèrent, reconstituèrent un foyer où les orphelins purent recouvrer le bonheur dans le cadre du bel hôtel qu’ils habitaient à Strasbourg. Madame de Morlet s’attacha aux petits-enfants de son mari : elle fut leur « Bonne Mémé ».

Charles et Mimi furent intégrés avec bonté dans la famille de Latouche, famille particulièrement unie qui comptait beaucoup de ses membres dans la région. Les Latouche dont l’ascendance n’était point alsacienne, mais bretonne et nivernaise, s’étaient implantés dans la région de Saverne où ils comptaient parmi les notables. Adolphe de Latouche, frère de Mme de Morlet, fut maire de Saverne de 1852 à 1864. Il avait dû subir les polémiques d’Edmond About. Il devait mourir en 1868. On se rendait avec joie dans son beau château de Birkenwald sis dans un site forestier magnifique, au sud de Marmoutier, dans la vallée de la Sommerau. Le colonel de Morlet et ses proches entretenaient d’étroits rapports avec lui.

De même, les alliés des Morlet devaient accueillir chaleureusement les orphelins, tels les Lagabbe, issus d’Alexandre de Lagabbe, président du tribunal de Neufchâteau, qui avait épousé Charlotte de Morlet (il figure parmi les membres qui adhérèrent à la Société d’archéologie lorraine dès sa fondation), Charles-François, leur fils, percepteur à Neufchâteau, époux de Marie-Louise de Morlaincourt, Marie, leur fille, épouse du colonel Claude-Henri de Morlaincourt, frère de Marie-Louise.

Les enfants ne furent pas oubliés d’ailleurs par leur tante Inès, la sœur de leur père, « la belle Inès » dont Ingres a peint le portrait, mariée au banquier parisien Sigismond Moitessier, qui avait fait une grande fortune dans l’établissement de comptoirs financiers au Mexique. Les Moitessier habitaient un bel hôtel rue d’Anjou, mais avaient conservé leurs attaches à Mirecourt. Ils avaient deux filles dont, la seconde, Marie devait être particulièrement liée à Charles, encore qu’elle fut de près de huit ans son aînée. Il l’admirait. Charles et Mimi furent souvent accueillis au château des Moitessier, à Louye près de Dreux. Le colonel de Morlet, polytechnicien, très porté aux études, s’occupa particulièrement de l’instruction de Charles. Celui-ci fut d’abord l’élève des sœurs de la doctrine chrétienne de Strasbourg, puis de l’école épiscopale Saint-Arbogast, du lycée enfin où il est inscrit en 6e après la fermeture de l’école en 1868.

La guerre devait bouleverser la vie douce qui avait rendu aux enfants si éprouvés la quiétude. Le colonel de Morlet abandonna Strasbourg en 1870 devant l’invasion. Il se réfugia à Rennes où il retrouva ses parents, les Lagabbe et Morlaincourt, puis séjourna en Suisse, à Berne. Lors de l’annexion de « l’Alsace-Lorraine », il opta pour la France et élut domicile à Nancy. Il s’installa dans une maison sise, 13, rue du Manège, à proximité de la cathédrale. Il prit pied dans la ville. L’érudit qu’il était, féru d’archéologie et d’histoire (il avait été l’un des créateurs du Musée de Saverne) fut présenté à la Société d’archéologie lorraine dès le mois de décembre 1871 par Henri Lepage, Alexandre Gény et Alexandre Bretagne. Charles fut inscrit en classe de 3e au lycée où les élèves affluaient du fait de l’annexion.

Il devait faire sa première communion le 28 août 1872 à la cathédrale et être confirmé par l’évêque Mgr Foulon. Nous avons présenté à l’exposition organisée au Musée lorrain en 1949, Quinze siècles de vie religieuse en Lorraine, l’image de sa première communion (une croix dont le montant était orné de trois cœurs superposés, accompagnés de cette inscription : « A Jésus, par Marie, je consacre ma vie ». Il évoqua dans les méditations qu’il rédigea à l’occasion d’une retraite, en novembre 1897, cette « première communion après une longue et bonne préparation entourée de grâce et des encouragements de toute une famille chrétienne, sous les yeux des êtres qu’il chérissait le plus au monde ». La cousine Marie Moitessier avait assisté à la cérémonie, apportant à Charles les Elévations sur les Mystères, l’ouvrage de Bossuet qu’il devait relire au temps de sa conversion.

Les lettres que le P. de Mahuet a offertes au Musée lorrain sont de l’année 1872, trois lettres écrites par « la Bonne-Mémé » et Charles à Mimi, alors en vacances au château de Louye, chez sa tante Inès (Mme Moitessier), les 14, 20, 31 août, qui donnaient des nouvelles de la maison, lettres affectueuses qui doivent faire participer la fillette à la vie quotidienne du foyer où l’on souffrait de son absence. Aux lettres « le vieux grand-père » ajoute quelques mots à l’adresse de sa petite-fille, « chérie, chérie », « la petite Minette ». On reçoit les missives de l’enfant avec joie : une lettre est arrivée au moment où l’on se mettait à table : elle a aiguisé l’appétit !

Charles taquine souvent ses grands-parents qui le gâtent excessivement sans doute. Il se montre quelque peu nerveux quand le trio va prendre la route pour Mirecourt, le 20 ; il manifeste « une grande agitation », « Quand tu seras près de moi, tu me défendras », dit « Bonne Mémé » à Mimi :

« Charles n’a pas comme toi, observe-t-elle, l’humeur chantante et le bon père [le colonel de Morlet] n’a pas été régalé des airs que tu lui chantes si gentiment et qu’il entendra bientôt. » On parle à Mimi de « son jardin » : la famille aime les fleurs.

A ces lettres Charles ajoute deux pages à la seconde et à la troisième, quelques lignes seulement à la première. En effet, le 14 août, au moment où il allait prendre la plume (ainsi que le dit le grand-père), le jeune Benoît, un camarade, fils d’une famille amie des Morlet, est venu le chercher pour « aller baigner très vite » (le colonel écrit comme on parle dans le pays, se servant du verbe neutre baigner, alors qu’il aurait convenu d’user du verbe réfléchi). Charles revient au moment même où le colonel termine son message par ces mots : « Voici le vieux qui arrive. » Charles ajoute :

« Je te souhaite une fort bonne fête... [on est à la veille de l’Assomption]. Je viens du bain, l’eau est des plus froides. » Il annonce : « Nous partons le 20. »

Le 20, au moment où la famille va se mettre en route pour Mirecourt, il est plus prolixe, alors que sa grand-mère n’avait écrit que quelques lignes :

« Il est 6 heures et demie, dit-il, nous partons dans une heure et demie pour Mirecourt. Nous arrivons à une heure de l’après-midi. »

Il donne ensuite des informations sur les personnes qu’il a vues et conclut :

« Je t’envoie une fleur de fraise de mon jardin. Tu la soigneras bien et elle donnera un fruit que tu trouveras excellent, surtout si vous n’en avez pas comme ici. Dis, s’il te plait, à ma cousine [Marie sans doute] que je lui écrirai de Mirecourt. Je t’embrasse de tout mon cœur, ainsi que ma tante et cousine Marie. »

La grand-mère ajoute :

« Bonne journée, ma bonne petite Minette, nous allons partir pour Mirecourt. Nous t’écrirons exactement. »

Le 31 août, de retour à Nancy, la grand-mère Amélie prend la plume, à la veille d’un voyage à destination de Paris :

« Au moment de monter en voiture, voulant que tu aies encore de nos nouvelles avant de quitter Nancy ; nous serons donc « au Bon La Fontaine ». Georges de Latouche sort d’ici, il revient d’Epinal. »

Georges de Latouche, fils du baron Adolphe de Latouche, qui devait être si lié à Charles, était alors sous-préfet de Neufchâteau, ville où résidaient les Lagabbe. Charles confirme ce que vient de dire sa grand-mère :

« Georges a passé ici ce matin. Il revient d’Epinal et vient de repartir pour Neufchâteau : il y a beaucoup de Prussiens » (Neufchâteau subissait alors une lourde occupation).

« A propos de Prussiens, ajoute-t-il, j’ai une nouvelle à t’annoncer qui me fait beaucoup de peine comme Français et beaucoup de plaisir comme homme. C’est que ces coquins-là se sont on ne peut mieux conduits hier à propos de l’incendie qui a dévoré tout l’établissement des orphelins. Depuis quatre heures de l’après-midi jusqu’à minuit ils ont été là à pomper et à tâcher de sauver ce qu’on pouvait des flammes. Ils sont arrivés au pas de course avec leurs pompes avant les pompiers sur le théâtre du sinistre.

« Heureusement qu’il n’y a pas eu de vent, sans cela l’incendie aurait été encore plus considérable. Jusqu’ici on ne connaît pas d’homme blessé ou tué.

« Nous partons d’ici à 1 heure, c’est-à-dire dans trois heures.

« Je t’embrasse de tout mon cœur ainsi que ma tante, cousine Marie.

« J’oubliais de te dire que ta lettre m’a fait grand plaisir. »

Ce sont là de modestes billets sans doute, mais ils comptent parmi les plus anciennes pièces de la vaste correspondance de Charles de Foucauld qui soient conservées, correspondance captivante dont ont usé depuis René Bazin, auteur d’un captivant ouvrage (1921) consacré à l’explorateur du Sahara, les biographes de Charles de Foucauld. Ces billets nous permettent, en tout cas, de pénétrer dans l’intimité d’une famille qui a eu un rôle décisif dans son existence.

Charles de Foucauld attaché à ses origines demeura fidèle à Nancy où il avait vécu son adolescence. Il y avait appris à aimer sa patrie au milieu des épreuves qui accablaient la France.

Ces malheurs contribuèrent peut-être à hâter sa maturité. Les billets que nous conservons sont d’une écriture ferme et très nette, la signature qui termine la lettre du 31 août est déjà celle d’un homme. Son cousin Pierre-Charles de Lagabbe devait déclarer, évoquant son souvenir :

« Il m’est apparu en 1873 comme un garçon au-dessus de son âge. J’avais à peine un an de moins que lui et, au lieu de s’intéresser à mes jeux, il préférait regarder avec mon père les vieux volumes de la bibliothèque. »

En témoigne le vœu qu’il formait le 10 avril 1873 lors du pèlerinage qu’il fit, comme tant de Français, au lendemain de l’annexion de l’Alsace-Lorraine à l’Empire allemand, à la « maison » de Jeanne d’Arc à Domremy, en inscrivant son nom sur le registre des visiteurs où nous l’avons découvert :

« Ramasse le tronçon de ton épée brisée, pauvre France, panse tes blessures, prends espérance et travaille de grand cœur. Jeanne la guerrière, Jeanne la sainte, veille encore sur elle. « Vive labeur ». [devise accompagnant le blason des Thiesselin, alliés aux d’Arc, qui figure sur le linteau de la porte de la « chaumière »].

Il ajoute :

« Ecrit après lecture du discours de réception de Mgr le duc d’Aumale à l’Académie française, séance du 3 avril 1873. »

Il avait reproduit, mot pour mot, les paroles par lesquelles le prince avait clos son « remerciement » prononcé seize jours avant le pèlerinage de Charles à Domremy, éloge de celui au fauteuil duquel il avait été élu, Montalembert, mort quelques mois avant la guerre, en avril 1870. Le duc d’Aumale avait prêté à son prédécesseur l’objurgation que celui-ci eût faite s’il avait connu les misères de la défaite, expression du sentiment qui l’animait, l’espérance, « cri chrétien et français ».

Charles de Foucauld poursuivait alors ses études au lycée de Nancy. Les troupes allemandes quittèrent la ville le 15 août 1873, occasion d’une explosion de joie. Le 12 août de l’année suivante, Charles obtenait à quinze ans son premier baccalauréat avec « la mention assez bien », après avoir été honoré de plusieurs accessits, dont le premier accessit d’excellence à la distribution des prix qui terminait sa rhétorique. Il se passionnait, comme son grand-père, pour les classiques latins et français.

Il avait eu au lycée de bons maîtres, « gens de beaucoup d’esprit, de beaucoup de science et de beaucoup de goût », disait-il, avec lesquels il continua à entretenir des relations, tels les professeurs de lettres, Henri Michaut, Mathias Hermadinguer, Alexandre de Roche du Teilloy en compagnie duquel il aimait, lors de ses vacances, traduire des textes latins et auquel il offrit en 1878 le dictionnaire latin de Forcellini en témoignage de reconnaissance. Il s’était fait de bons camarades parmi lesquels Niklès, Alfred Lagrésille, Edmond Déglin, Gabriel Tourdes, celui-ci né à Strasbourg en septembre 1857 (son aîné de deux ans), le fils d’un ancien professeur de la Faculté de médecine de Strasbourg, devenu professeur puis doyen de la Faculté de Nancy, Tourdes, l’ami par excellence auquel il resta profondément lié et avec lequel il entretint des relations constantes quelles que fussent les vicissitudes de sa vie.

Ayant choisi la carrière militaire, chère à sa famille, il quitte le lycée en 1874 pour préparer le baccalauréat de philosophie et le concours d’entrée à l’Ecole de Saint-Cyr chez les Jésuites de la rue des Postes, à Paris, où il ne se plut pas. Il subit avec succès les examens du baccalauréat, en 1875, mais donne la preuve d’une insigne paresse au cours de l’année suivante, si bien que les Jésuites le bannissent de leur maison en mars 1876. Il revient à Nancy. Piqué au vif, il se met au travail, dirigé par un professeur du lycée Henri Durand, dont son grand-père fait son précepteur. Il est reçu à Saint-Cyr en juin, 82e sur 412 admis.

L’austérité de l’Ecole lui coûta, il s’ennuya. Il choisit de servir dans la cavalerie et passa une année à l’Ecole de Saumur d’octobre 1878 à octobre 1879. Il songeait avec mélancolie aux beaux jours passés à Nancy. Il le disait au « bon Tourdes », en lui écrivant de Saint-Cyr le 5 février 1878, peu après la mort de son grand-père : « Plus jamais je ne serai heureux et tranquille comme je l’ai été à Nancy. »

Il évoquait la joie des lectures qu’ils faisaient, l’un et l’autre, en présence du colonel de Morlet : « Cela lui procurait autant de plaisir qu’à moi. » Il rappelait aussi les bonnes lectures faites à la Pépinière en compagnie de Tourdes : « Ce temps était bien bon. » Il évoquait encore, le 8 décembre 1912, « le temps des lectures en commun » sur les bancs de la Pépinière ». Il avait créé au lycée, avec quelques camarades, « une académie de littérature ».

Très tôt, il avait constitué une bibliothèque où figuraient des livres anciens, les grands classiques, latins et français de tous les temps, qu’il ne cessa d’enrichir. Il était un client de la librairie Grosjean-Maupin, faisant relier ses livres chez Wiener.

Il lui avait été agréable, après un bref séjour à Sézanne, d’être affecté au 4e hussard à Pont-à-Mousson qui, annonçait-on, « allait revenir à Nancy ». « Quel bonheur ! Qu’en dis-tu ? » confia-t-il à Tourdes. C’est de la chance si cela arrive. »

Il tint garnison, en vérité, à Pont-à-Mousson. En décembre 1880, le 4e hussards qui n’avait pas été transféré à Nancy devint le 4e chasseurs d’Afrique. Le lieutenant de Foucauld partit pour Sétif. Il devait éprouver quelques ennuis. Il avait perdu la foi dans le temps où il faisait sa rhétorique au lycée de Nancy. Une sorte de lassitude l’avait envahi : une vie de désordre dans une fastueuse prodigalité, facilitée par la fortune dont il était pourvu, s’ensuivit qui fit scandale à Pont-à-Mousson d’abord, en Algérie ensuite, ce qui lui valut des observations de ses chefs, puis une sanction grave : il fut rayé des cadres en mars 1881. Il quitta l’armée et s’établit momentanément à Evian où il mena une vie de fêtard. Toutefois, apprenant, en mai 1881, que son ancienne unité allait intervenir pour réprimer une révolte dans le Sud-Oranais, il obtint sa réintégration et son affectation au 4e chasseurs : il s’y montra bon soldat. Il ne resta pas toutefois dans l’armée. Un congé lui ayant été refusé, il donna sa démission qui prit effet le 10 mars 1882.

Dès le 18 février 1882, annonçant à Tourdes sa démission, il lui fait part de son désir de faire de beaux voyages, pas en touriste, mais en homme d’étude ; il pense aller en Egypte en passant par le Mzab, Ouargla, etc. pour arriver au Caire. Depuis trois mois il apprend l’arabe. Il demande à son ami de lui trouver des livres qui lui permettent de connaître l’histoire ancienne et moderne, « surtout ancienne », des pays qu’il traversera, les ouvrages les plus sérieux, les travaux des géographes, des cartes, qu’il prie son libraire Grosjean-Maupin d’acquérir et de les lui faire parvenir par la poste.

Sa famille avait beaucoup souffert de ses incartades. Sa réintégration dans l’armée l’avait rassurée, mais ses récentes décisions la surprirent et l’inquiétèrent.

Les siens lui demeuraient très chers. Il devait trouver auprès d’eux l’appui, le conseil, le soutien dans les incertitudes, les difficultés qu’il éprouva. René Bazin l’a parfaitement observé : « Les affections de son enfance le servirent encore plus puissamment. Les êtres qui l’ont aimé, choyé, gâté même, il continuera de les chérir à mesure qu’il comprendra mieux ce qu’ils ont fait pour lui. » Ainsi sa cousine Marie Moitessier, mariée depuis 1874 au comte Olivier de Bondy, femme d’élite d’une grande piété, qui eut sur lui une influence décisive (elle résidait à Paris, dans un hôtel de la rue d’Anjou, ou au château de Turquet en Gironde), sa sœur, la chère Mimi, qui devait épouser en 1883 Raymond de Blic (momentanément domiciliée à Aix-en-Provence, au début de son mariage, puis à Dijon et au château d’Echalot en Bourgogne).

Charles vint en France pour entretenir ses proches de ses projets qu’il modifia en les concentrant sur le Maroc, terre encore mal connue qu’il décida de prospecter.

On ne manqua pas de lui faire observer qu’il avait dissipé une partie de sa fortune. Un conseil judiciaire lui fut donné par décision du tribunal de Nancy du 12 juin 1882 en la personne de Georges de Latouche, neveu de Bonne-Mémé, l’ancien sous-préfet de Neufchâteau, établi à Nancy dans un hôtel de la rue Girardet (n° 8) dans les dépendances duquel fut installé un petit appartement qu’on lui attribua où prit place sa bibliothèque. Georges de Latouche était d’ailleurs un ami des livres : il avait adhéré à la Société d’archéologie lorraine en mars 1882. Charles recevra trois cent cinquante francs par mois et prélèvera sur cette somme les émoluments des leçons d’arabe qu’on lui donne et ce qu’exigera la préparation scientifique de l’exploration du Maroc qu’il effectuera. C’est à cette opération qu’il s’était déterminé. Il s’y préparera en Algérie où il recevra les conseils d’un homme averti, McCarthy, le bibliothécaire d’Alger, qui soutiendra les projets de Charles qu’il annoncera à la Société de géographie (de Paris) et s’en fera le garant auprès de Georges de Latouche, d’abord réticent.

Pour pénétrer au Maroc, détourner les suspicions, exécuter ses prospections et enquêtes, il se fera passer pour juif et sera accompagné par un rabbin Mardochée Abi Serour, originaire du Maroc, rabbin instituteur, qui conclut un traité avec lui en précisant les conditions de l’exploration qu’il va entreprendre.

Il scrute le pays de juin 1883 à mai 1884, fait des relevés pour les cartes qu’il établit, de nombreux croquis, prend des photographies, s’informe le mieux qu’il peut.

Cette prospection terminée, il mettra en œuvre les matériaux qu’il a réunis. Il partagera son temps entre l’Afrique du Nord et la France. Il séjournera chez ses cousins Moitessier-Bondy, en Gironde, à Paris, chez sa sœur à Dijon ou à Echalot. Il ne négligera pas la Lorraine et Nancy où il retrouvera son cousin Latouche et son ami Tourdes, devenu magistrat, juge à Montdidier (1883), puis à Saint-Dié (1887).

En juin-août 1884, après une incursion à Birkenwald en Alsace, il fait escale à Nancy où il voit ses parents et amis et pousse jusqu’à Saint-Nicolas-de-Port où Mme de Morlet était retirée dans une maison de retraite. En 1885, de la mi-juillet à la mi-septembre, il séjourne chez sa tante Moitessier en Gironde et chez sa sœur à Dijon. A la fin de février 1886, il s’installe momentanément à Paris dans un appartement qu’il loue rue de Miromesnil.

Il mit au point et en forme le résultat de ses prospections. Sur le rapport d’un spécialiste avec lequel il avait entretenu de constantes relations, Duveyrier, la Société de géographie lui décerna une médaille d’or, à sa séance publique du 24 avril 1885 à laquelle il n’assista pas, mais où il fut représenté par Olivier de Bondy. « C’est vraiment, déclarait-on, une ère nouvelle qui s’ouvre de la connaissance du Maroc ». Il devait publier dans le Bulletin de la Société du Ier trimestre 1887 un article sur les Itinéraires du Maroc. Le Musée lorrain en possède un tiré à part dont il fit hommage à son professeur d’histoire et de géographie du lycée de Nancy, Frédéric Duvernoy, son « cher maître », que nous avons retrouvé dans des brochures que la famille du fils de celui-ci, Emile Duvernoy, notre ancien secrétaire perpétuel, nous a remises en 1943 à la mort de notre confrère.

En 1888, Charles de Foucauld devait éditer son livre, Reconnaissance du Maroc, qui fut accueilli avec faveur.

Au mois d’avril 1887, il était venu en Lorraine et était allé voir à Saint-Nicolas-de-Port Mme de Morlet, « Bonne Mémé », qui avait été victime d’une crise de sénilité, puis avait recouvré son esprit. « Elle ne quittait pas, dit-il, la photo de Mimi sans cadre et dans un triste état. » En février 1888, il se rendit à Nancy à l’occasion de l’anniversaire de la mort de son grand-père sur la tombe duquel il se recueillit. Il assista à Mirecourt à l’enterrement d’une tante Belfroy appartenant à la famille de sa grand-mère paternelle.

Au cours de ses séjours à Paris, il ne s’était pas seulement consacré à l’achèvement de son livre : la solitude dans les terres marocaines et sahariennes l’avait conduit à méditer sur la condition humaine, il s’interrogeait sur la vie, son essence et ses buts. Il se posait la question de Dieu. Sa pieuse cousine Marie de Bondy l’avait mis en relation avec cet extraordinaire abbé Huvelin, vicaire à Saint-Augustin, directeur de conscience prestigieux. C’est en se présentant à son confessionnal à la fin du mois d’octobre 1886 qu’il avait vu renaître la foi de son adolescence.

Après s’être rendu, à la fin de l’année 1888, en Bordelais chez les Moitessier, puis à Nancy où son conseil judiciaire avait été levé en octobre, il va se recueillir en Terre-Sainte. Revenu en France, il fait retraite chez les Bénédictins de Solesmes à Pâques 1889, se livre à de profondes dévotions, soutenu par Marie de Bondy, séjourne à la Trappe de Notre-Dame-des-Neiges en Vivarais (octobre 1889). Il prend alors la décision de se faire trappiste.

Le 11 décembre, il s’arrête à Dijon pour faire ses adieux à sa sœur. Le 18, il passe à Nancy, puis gagne Paris. Le 18 janvier 1890, il inaugure son noviciat à Notre-Dame-des-Neiges, il devient le frère Marie-Albéric. Il passe rapidement de la Trappe de Notre-Dame-des-Neiges à la Trappe d’Akbès en Asie-Mineure, fondée par celle-ci, où il réside du 11 juillet 1890 au 17 septembre 1896 (il y prononce ses « vœux simples »). Il y trouve une paix qui ne lui fait pas oublier ses souvenirs de jeunesse, comme il le confie à son ami Tourdes et à son cousin de Latouche, les seuls « Nancéiens » avec lesquels il correspond dans les premiers temps de sa vie monastique, en dehors de ses très proches parents. Il leur rend compte de ses états d’âme.

La vie de trappiste ne correspond pas toutefois à ses aspirations profondes qu’il confie notamment à l’abbé Huvelin : il désire plus d’ascèse, une intégrale pauvreté. Il songe à créer une congrégation des Petits-Frères de Jésus voués comme le fut Jésus au travail manuel : il y revient sans cesse. Il s’ouvre de son dessein à ses supérieurs. Il passe par la Trappe de Staoueli en Algérie d’où on l’envoie à Rome pour faire des études de théologie en 1896, mais il n’y demeure que quelques mois.

Attiré par la Terre-Sainte au début de 1897, il se fait domestique chez les Clarisses de Nazareth : « pauvreté et abjection » correspondent à l’état où il se veut. Il revient sur l’idée de créer une congrégation : les Ermites du Sacré-Cœur ; il pense au sacerdoce. Après un séjour à Rome et un passage en Bourgogne où il rencontre sa sœur, il se rend en septembre 1900 à Notre-Dame-des-Neiges. Il est ordonné prêtre, le 9 juin 1901, en la chapelle du grand séminaire de Viviers.

Sa chère Mimi assiste à sa première messe. Le frère Albéric, devenu Charles de Jésus, retourne en Afrique.

Il croit pouvoir trouver dans les terres africaines qu’il a prospectées et qu’il aima, les lieux où il pourra répandre dans les populations malheureuses les bienfaits de la « charité sous le signe du cœur de Jésus ». En octobre 1901, il se rend à Alger, à Oran et de là, avec l’accord du vicaire apostolique au Sahara, Mgr Guérin, il s’établira dans le sud algérien, à la lisière du Maroc, à Béni-Abbès, la principale des oasis aux horizons désertiques immenses se perdant dans le ciel du Sahara où il bâtit une chapelle flanquée de cellules et d’une chambre d’hôte. Il luttera contre l’esclavage, consolera, aidera les hommes.

A deux reprises, il accueille l’un de ses anciens du lycée de Nancy, son aîné de quatre ans, le général Lyautey, commandant de 1903 à 1907 la subdivision d’Aïn-Séfra ; venu à Béni-Abbès ; le général assista à une messe célébrée par lui ; il devait le rappeler en termes émus à René Bazin : « Je n’ai jamais vu dire la messe comme la disait le P. de Foucauld. C’est une des plus grandes impressions de ma vie ». Charles rapporta à sa chère Mimi qu’« il lui avait été doux de parler avec le général de Raymond (le mari de celle-ci) que Lyautey avait tant connu ».

Il veut aller vivre parmi les Touaregs pour partager leur existence, il étudie leur langue, rédige un dictionnaire riche d’informations linguistiques et ethnologiques : il établit un ermitage à Tamanrasset en 1909. Il noue des amitiés avec les autochtones et leurs chefs, crée un poste avancé à Asakalem, à 2 700 mètres d’altitude, lieu de passage, où il peut recevoir ceux qui le traversent.

Il maintient ses projets : il souhaite que l’on fonde congrégation et école ; il tente de créer une association de prêtres et laïcs, « l’Union », qui aide à l’amélioration de la vie des indigènes. Il voudrait que les bienfaits du christianisme fussent perçus par les musulmans, ce à quoi il s’est voué. Il maintient ses contacts avec la France, bien entendu avec l’abbé Huvelin qui reste son directeur de conscience jusqu’à sa mort en 1910, perte qui l’accable.

L’abbé Huvelin lui avait conseillé un voyage en France pour faire aboutir plus aisément la fondation des œuvres qu’il avait conçues. Le 10 février 1909, il s’embarque. Le 18, il est à Paris chez sa cousine Marie de Bondy. C’est au cours d’un nouveau voyage, en 1911, qu’il passe à Viviers, retrouve à Paris Marie de Bondy, fait halte chez sa sœur, Mme de Blic, en Bourgogne, se rend en Lorraine (il est à Lunéville le 26 février). Il ne peut rencontrer son ami Tourdes à Saint-Dié, à son grand regret, mais il a vu à Nancy la famille de Georges de Latouche dont la mort survenue en 1895 lui avait causé beaucoup de chagrin, il retrouve les Lagabbe, les Morlaincourt. Il devait renouveler ce périple en juillet-août 1913, il séjourne en Bourgogne chez sa sœur et en profite pour faire une incursion en Lorraine, à Gérardmer, Nancy, Saint-Dié où il rencontre enfin Gabriel Tourdes.

A Paris, au mois d’août, il avait vu le général Gouraud qui l’avait entretenu sans doute des difficultés qu’éprouvait le général Lyautey au Maroc où il était résident général depuis deux années. Il écrit à son ancien camarade du Lycée de Nancy.

« Avec quelle ardeur je désire que par dévouement au bien public vous restiez longtemps, très longtemps au service du Maroc... Qui plus que vous veut le bien public, qui plus que vous est capable de le favoriser ? »

La guerre allait éclater l’année suivante, guerre qui devait lui ravir bien des amis, guerre inévitable. Il suit les événements grâce à l’Echo de Paris auquel Marie de Bondy l’abonne. Le 25 novembre 1914, il écrit à Gabriel Tourdes :

« Combien j’ai pensé à toi quand j’ai su les combats de Saint-Dié. De grâce, donne-moi de tes nouvelles, une ligne seulement. Le reste nous nous le dirons, quand nous nous verrons après la victoire. Si nous sommes vainqueurs, nous irons ensemble, n’est-ce pas, revoir Strasbourg, redevenu français, je compte sur toi pour ce pèlerinage... Si la paix se fait ce printemps, j’irai probablement en France cet été. »

Il semble ignorer que le frère de Gabriel Tourdes, Joseph, polytechnicien, chef d’escadron d’artillerie, (celui que dans sa jeunesse, il appelait « Toto ») avait été tué, lors de la bataille de la Marne, le 8 septembre 1914.

La paix n’est pas venue : le 15 juillet 1915, il donne à Tourdes des nouvelles de ses trois neveux qui sont au front... « Puissions-nous bientôt nous réjouir de la pleine victoire », ajoute-t-il.

Le 20 novembre, il lui annonçait la mort au combat du gendre de Georges de Latouche et d’un des gendres de la sœur de celui-ci (Mme de Morlaincourt), ainsi que celle d’un de ses proches parents, le commandant de Gail.

Il était resté dans le Hoggar. Il avait songé venir en France pour servir comme infirmier, mais on lui avait dit qu’il était mieux qu’il demeurât dans ces contrées peu sûres et parfois troublées pour contribuer à exercer la charité. Il avait déclaré en septembre 14 : « Mon esprit et ma prière sont à la frontière ». Il poursuivait avec une intense activité ses travaux sur la langue, les mœurs et l’histoire des Touaregs.

Sa fin était proche. Des tribus dissidentes faisaient des incursions. Le 6 septembre 1916, il demandait à Lyautey, son « ami » d’intervenir pour que les combattants sénousites soient mis hors d’état de nuire. Le 1er décembre 1916, saisi à la porte de son ermitage qui avait été fortifié pour abriter, le cas échéant, la population, « Charles le marabout » fut assassiné par « des traîtres et trompeurs de la région d’Agadir », pour reprendre les expressions dont usa Moussa ag Amastane, amenokal du Hoggar, son meilleur ami parmi les Touaregs, en assurant la sœur du Père de Foucauld qu’il était mort « pour eux tous ».

Dans la dernière lettre adressée à Gabriel Tourdes qui soit conservée, datée du 20 novembre 1915, il avait déclaré qu’il lui fallait rester à Tamanrasset jusqu’à la fin de la guerre et ajoutait :

« Quelle joie de te revoir après la paix, après la pleine victoire, après la reprise de l’Alsace et de la Lorraine. »

Toute sa vie, il demeura fidèle à sa petite patrie, ainsi qu’aux siens qu’il continua à aimer comme au temps de son adolescence. Il convient que la Société d’archéologie lorraine, dont son grand-père et plusieurs de ses cousins firent partie, ne l’oublie pas.

 

(*) Pour rédiger cette note nous avons, en particulier, usé du livre que Marguerite Castillon du Perron a consacré à Charles de Foucauld (Paris, Grasset, 1982, in-8°, 523 p.) et de lédition des Lettres à un ami de lycée, correspondance inédite avec Gabriel Tourdes de Charles de Foucauld due à Mgr Bernard Jacqueline (Paris, Nouvelle Cité, 1982, in-8°, 208 p.), qui est précédée dune introduction situant cette correspondance dans la vie du Père (p. 5-44) et complétée par ses notes précieuses.