Nicolas CAILLON, 17711843 (âgé de 72 ans)

Capitaine Caillon
Nom
Nicolas /CAILLON/
Prénom(s)
Nicolas
Nom de famille
CAILLON
Naissance
Note : "Neuves-Maisons, qui était alors un écart de Chaligny et ne fut constituée en communauté indépendante qu’en 1780"
Militaire
Capitaine de cavalerie, 1er Régiment de Dragons
Note : "Lorsqu’on lit attentivement les historiques du 1er Dragons et du 1er Chevau-Légers, on ne peut manquer d’être surpris par le nombre d’affaires, de combats, de batailles auxquels ces régiments prirent part, et par le chemin parcouru. Si l’on excepte les campagnes d’Égypte et d’Autriche en 1809, Caillon a été partout."
Roi de France
Louis XVI
10 mai 1774
Famine
Famines entrainant la révolution française
1788
Décès du père
Révolution
Révolution française
de 5 mai 1789 à 9 novembre 1799
Régime politique
Monarchie Constitutionnelle
4 septembre 1791
Régime politique
Régime politique
Régime politique
Décès de la mère
Empereur des Français
Fait
Chevalier de la Légion d'honneur
14 mars 1806
Roi de France
Louis XVII
6 avril 1814
Régime politique
Cent-Jours
22 mars 1815
Roi de France
Louis XVIII
22 juin 1815
Mariage
Note : Étaient témoins :

Étaient témoins :
Louis-Joseph Charlot, conseiller à la Cour royale de Nancy, Nicolas-Jean-Baptiste Boulangé, notaire royal, Jacques-Joseph Marchai, capitaine en retraite, chevalier de la Légion d’honneur et Joseph-Félix Poma, docteur en médecine, frère de la mariée.

Domicile
Adresse : 35 rue Stanislas
Roi de France
Charles X
16 septembre 1824
Roi des Français
Louis-Philippe Ier
9 août 1830
Note : dernier roi de France
Décès d’un frère
Décès
Famille avec les parents
père
mère
Mariage Mariage
grand frère
17661841
Naissance : 1766 38 Neuves-Maisons (54)
Profession : Vigneron
Décès : 1 octobre 1841Neuves-Maisons (54)
5 ans
lui
Capitaine Caillon
17711843
Naissance : 13 avril 1771 43 Neuves-Maisons (54)
Décès : 9 juillet 1843Nancy (54)
Famille avec Félicité-Justine POMA
lui
Capitaine Caillon
17711843
Naissance : 13 avril 1771 43 Neuves-Maisons (54)
Décès : 9 juillet 1843Nancy (54)
épouse
17891873
Naissance : 2 mars 1789 44 39 Nancy (54)
Décès : 30 janvier 1873Ludres (54)
Mariage Mariage8 octobre 1817Nancy (54), Meurthe-et-Moselle, Grand Est, FRANCE
Fait
Objet média
Capitaine Caillon
Capitaine Caillon
Naissance

"Neuves-Maisons, qui était alors un écart de Chaligny et ne fut constituée en communauté indépendante qu’en 1780"

Militaire

"Lorsqu’on lit attentivement les historiques du 1er Dragons et du 1er Chevau-Légers, on ne peut manquer d’être surpris par le nombre d’affaires, de combats, de batailles auxquels ces régiments prirent part, et par le chemin parcouru. Si l’on excepte les campagnes d’Égypte et d’Autriche en 1809, Caillon a été partout."

Mariage

Étaient témoins :
Louis-Joseph Charlot, conseiller à la Cour royale de Nancy, Nicolas-Jean-Baptiste Boulangé, notaire royal, Jacques-Joseph Marchai, capitaine en retraite, chevalier de la Légion d’honneur et Joseph-Félix Poma, docteur en médecine, frère de la mariée.

Nicolas CAILLON a 0 cousin germain connu

Famille paternelle (0)

Famille maternelle (0)

UN CAVALIER DE L’EMPEREUR : LE CAPITAINE CAILLON

Le conseil municipal de Neuves-Maisons (Meurthe-et-Moselle, canton de Nancy-Ouest), réuni sous la présidence de son maire, M. C. Harmand, émettait le 27 mai 1909 un avis favorable à la pose, par le Souvenir français, d’une plaque commémorative sur la maison d’un enfant du pays, le capitaine Caillon. Peu de temps après, une cérémonie avait lieu pour l’inauguration de cette plaque. Elle était présidée par le comte Ferri de Ludre, alors député de Nancy. Le conseil municipal décidait, en outre, de donner à la rue de Neufchâteau, où se trouvait sa maison natale, le nom de notre héros.

Ce nom était donc sûr de passer à la postérité. Si, lors de l’inauguration de la plaque du Souvenir français, quelques anciens du pays se souvenaient encore d’avoir vu, dans leur prime jeunesse, le capitaine Caillon revenir souvent dans son village natal auquel il était resté très attaché et où il comptait encore quelques parents, son souvenir, sans elle, serait de nos jours complètement éteint.

UNE ENFANCE LORRAINE

Nicolas Caillon était né le 13 avril 1771 à Neuves-Maisons, qui était alors un écart de Chaligny et ne fut constituée en communauté indépendante qu’en 1780. Il était fils de Jean Caillon et d’Elisabeth Euriet, propriétaires vignerons, comme beaucoup d’habitants du pays. Rien ne semblait le destiner à la carrière agitée qui fut la sienne. Nous n’avons pas de renseignements sur son enfance. Sans doute prit-il part, comme tous les garçons de son âge, aux luttes qui les opposaient aux gamins des villages voisins et put-il donner ainsi libre cours à ses instincts batailleurs. Il fréquenta l’école paroissiale et en sortit avec une instruction qui ne devait pas dépasser celle d’un élève moyen, c’est-à-dire qu’il savait lire et écrire.

Il aurait assurément mené une existence obscure et monotone si les événements n’en avaient décidé autrement, mais la Révolution éclate. Son père, Jean Caillon meurt en 1789 et en 1792, Nicolas, répondant à l’appel de la Nation, s’inscrit comme volontaire. Il est incorporé au 6e bataillon de la Meurthe, régulièrement constitué le 22 juillet 1792.

VOLONTAIRE NATIONAL

C’était assurément une belle recrue pour le bataillon. D’après son état signalétique, il mesurait 5 pieds 7 pouces, c’est-à-dire environ 1,80 m. Il avait les yeux bleus, le nez court et épaté, la bouche moyenne, le menton rond, les cheveux et les sourcils châtains. Sa constitution était particulièrement robuste. Comment expliquer autrement qu’il ait supporté au cours de sa carrière militaire de nombreuses blessures et les fatigues de vingt-trois années de campagnes ? A cette époque, le service de santé aux armées était pratiquement inexistant et le chirurgien de Napoléon, Larrey, commençait seulement à en jeter les bases. La médecine et la chirurgie étaient elles-mêmes dans l’enfance. Maladies et épidémies firent au cours des guerres de la République et de l’Empire un nombre de victimes beaucoup plus élevé que le feu de l’ennemi [1].

Simple soldat, Nicolas Caillon devait le rester de longues années. Sans doute, n’était-il pas de ces intrigants, grands parleurs et surtout grands buveurs qui l’ont souvent emporté dans la concurrence sur les plus capables (général Wimpfen) [2]. A cette époque les grades étaient attribués pour les deux tiers au choix, c’est à dire à l’élection et pour le reste à l’ancienneté de service et non de grade.

L’avancement à l’ancienneté de service permit à de très vieux soldats, parfaitement illettrés et par conséquent, incapables de lire une carte, d’accéder à des grades élevés. En même temps, il barrait la route à des candidats plus méritants, mais plus jeunes.

Nicolas Caillon fait donc campagne avec le 6e bataillon de volontaires de la Meurthe. L’historique de ce corps donne très peu de renseignements sur cette période ; nous savons seulement qu’en juillet 1793, il faisait partie de la garnison de Thionville. Au cours de l’hiver suivant, il passe à l’armée de la Moselle, commandée par Hoche et il est incorporé à la division Morlot [3], dont fait partie également le 1er régiment de Dragons. Après une affaire sans résultat dans la région de Kaiserslautern, l’armée de la Moselle prend ses quartiers d’hiver sur la Sarre et la Blies et le 6e Bataillon de la Meurthe cantonne à Schweyen, à dix kilomètres au nord de Bitche.

A cette époque, si nos armées avaient enregistré quelques succès, il faut reconnaître que, malgré leur supériorité numérique, elles avaient subi de nombreux échecs. On les attribue, entre autres causes, au manque de cavalerie dont les effectifs atteignaient à peine le quart des effectifs ennemis. Aussi, on entreprend de renforcer en première urgence la cavalerie légère et les dragons. Le décret du 3 brumaire an II (24 octobre 1793) permettait de prélever des hommes dans les régiments d’infanterie, en général parmi les volontaires provenant de la levée en masse. Les représentants aux armées exigeaient des hommes appelés à passer des bataillons d’infanterie dans les troupes à cheval des qualités propres à leur nouvelle arme. Ils s’en assuraient eux-mêmes, comme l’écrivait le représentant Pflieger au comité de Salut public le 22 germinal an II, préférant la qualité à la quantité.

AU 1er RÉGIMENT DE DRAGONS

C’est ainsi que le 4 février 1794, le volontaire Caillon devint cavalier et fut affecté, sans changer de division, au Ier régiment de Dragons, ci-devant Royal-Dragons, le plus ancien régiment de l’arme. Le choix n’était pas mauvais comme la suite le démontra. Nicolas Caillon fut incorporé au 1er escadron, 5e compagnie avec le matricule 54 [4].

L’uniforme était à coup sûr, plus seyant que celui des volontaires. Les dragons portaient l’habit vert, avec collet, revers, plastron, parements, pattes et lisérés écarlates, veste et culotte blanches, plumet vert et rouge. Les dragons de la compagnie d’élite portaient le bonnet à poil des grenadiers.

Nicolas Caillon fait ses premières armes de cavalier le 30 avril 1794 à la bataille d’Arlon. Elles ne sont pas heureuses, mais la retraite qui en résulte sera limitée. En mai, le régiment se porte sur Namur. « Depuis le jour du départ, écrit le volontaire Isaac Dupuy, les soldats marchent de 9 heures du matin à 10 heures du soir, en général à travers bois, sans faire de feu et presque sans dormir. Ils parcourent l’Ardenne, triste et désolée, sous la pluie et grelottant de froid. On y fait quelquefois six lieues sans rencontrer une maison, ni un champ, ni un jardin. Rien que des bois, des landes et des bruyères ; nos fatigues sont inconcevables. »

En outre, on rencontre des détachements ennemis et le 1er Dragons a l’occasion de charger et de poursuivre des hussards impériaux à Ciney. La marche est arrêtée sur la Meuse par le manque de vivres. La misère est grande. « Nous sommes dans la dernière des détresses » écrit le 1er juin Jourdan, commandant de l’armée de Sambre-et-Meuse au Comité de Salut public.

Le 1er Dragons franchit cependant la Meuse, il fait partie maintenant de la division Championnet et il participe au combat de Charleroi, puis le 26 juin, à la bataille de Fleurus où son intervention permettra de rétablir une situation un moment compromise.

Poursuivant l’ennemi, nous le trouverons en octobre au combat d’Aldenhoven au nord-est d’Aix-la-Chapelle, puis au camp de Créfeld.

EN ALLEMAGNE, 1795-1798

En 1795, le régiment passe sur la rive droite du Rhin et il est engagé à plusieurs reprises dans des combats aux alternatives diverses.

L’année suivante, les armées républicaines prennent l’offensive : Jourdan au nord passe le Main et s’avance jusqu’à l’est de Nuremberg ; Moreau au sud progresse sur la rive droite du Danube. Mais ils ont affaire au meilleur des généraux autrichiens, l’archiduc Charles qui, manœuvrant en position centrale, contraint les deux armées françaises à la retraite. Le 1er Dragons est à l’arrière-garde que commande Ney ; il tient en respect des forces ennemies supérieures en nombre et se retire en bon ordre. Mais, le 3 septembre, Jourdan est obligé de livrer combat à Wurtzbourg et le Ier Dragons intervient pour dégager un régiment cerné.

Au cours de cette action, Nicolas Caillon est atteint par un boulet. C’est sa première blessure. En quelle partie du corps ? Quel degré de gravité ? Nous ne le savons pas. L’armée française se retire à l’est de Cologne.

L’année suivante, le 1er Dragons passe à la 1re Division de Dragons que commande le général Klein [5]. Il ne tarde pas à se distinguer, prend part à plusieurs combats, fait de nombreux prisonniers. Un armistice étant signé avec les Autrichiens, le régiment est alors dirigé sur les côtes de l’ouest pour faire partie de l’armée destinée à opérer contre l’Angleterre. Il est affecté à la division Richepance [6]. On le verra à Caen, Pont-l’Évêque, Amiens, Abbeville au début de 1798, puis il est rappelé à l’armée de Sambre-et-Meuse et dirigé sur Trêves, puis sur la rive droite du Rhin en août. Il y rejoint la Division Klein.

Le mois de janvier 1799 trouve le régiment à Strasbourg ; il fait partie de l’armée de Mayence commandée par Jourdan et de la division Souham. L’Autriche ayant dénoncé le traité de Campo-Formio, l’armée de Mayence, devenue armée du Danube, traverse la Forêt Noire et franchit le Danube le 14 mars. Les hostilités commencent. Un premier choc a lieu le 20 mars ; il nous est défavorable. Le 1er Dragons intervient pour ralentir l’avance ennemie et couvrir la retraite. Mais Jourdan ordonne le 25 de repartir à l’attaque ; cependant, la disproportion des forces est trop grande et après la bataille de Stokach, nos troupes refluent à travers la Forêt Noire jusqu’au-delà du Rhin. La traversée des montagnes se fait dans les conditions les plus pénibles : il neige ; les chemins sont mauvais ; le ravitaillement n’arrive pas ; on pille, on maraude ; la discorde s’installe chez les généraux. Jourdan est destitué et remplacé par Masséna. Le 1er Dragons rentre le 6 avril à Strasbourg. La division à laquelle il appartient est dirigée sur Bâle. Le cavalier Caillon a pris part à tous les mouvements. Son ancienneté de service, son courage déjà reconnu font de lui un excellent soldat, apte à toutes les missions. Dans cette campagne, il a pris part à deux batailles et à plusieurs engagements.

CAMPAGNE D’HELVÉTIE

Après son échec, l’armée du Danube se reconstitue péniblement en Suisse. Tout manque : le ravitaillement est insuffisant ; certaines unités ne perçoivent que le tiers ou le quart des rations. La solde n’est pas payée depuis trois mois. L’armée vit sur le pays. Certains cantons suisses sont complètement ruinés. Le 1er Dragons se porte sur Winterthur ; le 27 mai, à la prise de Frauenfeld, il mérite les félicitations du général Oudinot [7], puis participe dans le courant du mois suivant à plusieurs combats. Le 25 septembre, c’est la bataille de Zürich où Masséna remporte une victoire très nette. Le 1er Dragons se lance dans la poursuite, mais la mauvaise saison ne permet pas à la cavalerie de s’engager dans les montagnes. Nos dragons sont alors ramenés à Bâle, puis à Remiremont.

CAMPAGNE D’ITALIE, 1800

C’est de Remiremont que le 1er Dragons rejoindra le corps de cavalerie commandé par Murat et qui fait partie de l’armée de réserve que Bonaparte emmène, par le Grand- Saint-Bernard vers la plaine du Pô. Ce mouvement s’exécute non sans difficultés ; pour éviter les réactions de la garnison du fort de Bard, les dragons mettent pied à terre et tenant leurs chevaux par la bride, gagnent la plaine en passant par des chemins escarpés. Le régiment fait partie de la brigade Champeaux. Le 12 juin, la bataille s’annonce imminente ; le mouvement des dragons est accéléré et le 13, ils battent la plaine dans la région de Marengo. Le lendemain, la bataille s’engage. Le régiment exécute plusieurs charges pour soulager l’infanterie aux prises avec des forces supérieures. Malgré le feu intense, il parvient à retirer des mains des Autrichiens le général Champeaux, mortellement blessé. Il se rue ensuite sur un gros de cavalerie ennemie qui menaçait de couper la route de Marengo à San-Giuliano, l’arrête et protège ainsi la marche de la division Monier.

Nous cédons du terrain. Vers 2 heures de l’après-midi, on envoie nos dragons sur la droite où ils contiennent les Autrichiens, marchant par pelotons, au pas, exécutant de fréquents demi-tours, arrêtant et repoussant les ennemis qui pressaient les bataillons français et donnant à ceux-ci le temps de se rallier.

Mais la division Desaix surgit sur le champ de bataille. Bonaparte relance aussitôt l’attaque. Le 1er Dragons charge à nouveau ; un de ses pelotons escorte le général Kellermann qui brise tout devant lui. Mais les pertes sont sévères ; Desaix est tué ; Champeaux est mort ; d’autres sont morts. Le cavalier Nicolas Caillon est frappé d’une balle et tombe. C’est sa deuxième blessure. Sa belle conduite durant la journée lui vaudra sa nomination au grade de brigadier le 17 juillet.

Rétabli, il reprend sa place dans les rangs, mais c’est pour être à nouveau blessé, par un biscaïen, au passage du Mincio, le 28 décembre 1800.

En 1801, il prendra part à différents engagements en Italie, notamment à Vadelago où 200 ennemis furent capturés et il tiendra garnison dans différentes villes, à Ferrare, Turin, Casale, Pigneroles. De là, il rentrera en France au commencement de 1803 et séjournera sur la Loire, à l’est de Nantes. Il sera promu successivement maréchal des logis le 16 avril 1802 et maréchal des logis chef le 26 mai suivant. Il est alors affecté à la compagnie d’élite du 1er Dragons.

A LA GRANDE ARMÉE, 1805

En 1805, le 1er régiment de Dragons est cantonné à Saint-Omer. Il fait partie de la 1re division de Dragons (général Klein) de la réserve de cavalerie, commandée par Murat et de la Grande Armée que Napoléon a constituée sur les côtes de la Manche en vue d’un débarquement en Angleterre. Le régiment est un magnifique instrument de guerre. D’un effectif de 470 hommes, il compte dans ses rangs plus de cent vétérans ayant plus de dix ans de service.

Menacé par une nouvelle coalition, Napoléon porte son armée sur le Rhin. Le 1er Dragons quitte Saint-Omer le 27 août et par Douai, Mézières, Metz, il gagne la région de Molsheim où il arrive le 19 septembre, sans avoir laissé un traînard. Le maréchal des logis chef Caillon est à son rang, 1er escadron, 5e compagnie.

Le 25 septembre, le régiment traverse le Rhin et va barrer la vallée de Kinzig aux batteurs d’estrade autrichiens qui, déjà, envahissent la Forêt Noire. Puis il participe au vaste mouvement enveloppant qui, par Pforzheim et Stuttgart va l’amener sur le Danube. Mais le temps s’est gâté. Une pluie persistante, mêlée de neige rend les étapes extrêmement pénibles. Jamais, sauf pendant la retraite de Russie, l’armée n’a autant souffert. Souvent les régiments sont forcés de bivouaquer dans la boue, sous la pluie et après une marche de douze à quinze heures, de chercher eux-mêmes leur subsistance. Le maraudage et la rapine sévissent ; mais vienne l’heure des combats, tous se ressaisiront. L’occasion de se distinguer va bientôt s’offrir à Nicolas Caillon.

La division Klein passe au sud du Danube. Le 1er Dragons prend part, le 8 octobre, au combat de Wertingen, qui aboutit à la destruction d’un corps autrichien. Il fait de nombreux prisonniers, mais le colonel Arrighi qui le commande [8] est gravement blessé de plusieurs coups de sabre et n’est sauvé que par le courage de ses dragons qui ont mis pied à terre, l’entourent, le défendent et le ramènent sur leurs épaules. Cependant, une fraction importante cherche à s’échapper par la voie nord du Danube. Vite, la 1re Division de Dragons repasse le fleuve, attaque dans la région d’Albeck [9] et poursuit l’ennemi dans des combats journaliers jusqu’au delà de Nuremberg et jusqu’au moment où il est anéanti. Seul un faible détachement parvient à s’échapper. « Je dois les plus grands éloges à la bravoure des dragons de la division Klein, écrit Murat à Napoléon. » L’empereur témoigne sa satisfaction en se faisant présenter par régiment un dragon auquel il remet l’aigle de la Légion d’honneur (3e bulletin de la Grande Armée).

Au cours d’une charge exécutée dans la région d’Albeck, le 15 octobre, le maréchal des logis chef Caillon aperçoit dans les rangs ennemis un officier général. « N’écoutant que son courage, il se précipite dans la colonne ennemie en entraînant ses hommes, atteint l’officier ennemi qu’il perce d’un coup de sabre et qu’il fait prisonnier. » C’était le général O’Donnell, commandant l’arrière-garde. Il mourut le lendemain. Avec lui, 3 000 hommes avaient été faits prisonniers. Ce que ne dit pas cette citation qui accompagnait la proposition du maréchal des logis chef Caillon pour le grade de chevalier de la Légion d’honneur, c’est que, tous les officiers de sa compagnie ayant été mis hors de combat, c’est lui qui en avait pris le commandement.

Au cours de ces combats, Nicolas Caillon a l’occasion d’intervenir pour prendre deux canons que des artilleurs ennemis cherchent à enlever. Il coupe les traits à coups de sabre et rend ainsi possible leur capture.

Après cette poursuite, le 1er Dragons passe au sud du Danube, puis est ramené au nord du fleuve pour disperser quelques détachements ennemis. Il rejoindra la Grande Armée avant Austerlitz.

Le jour de la bataille, il est détaché à l’aile droite du dispositif, celle qui, conformément au plan de l’Empereur, devait résister à l’attaque massive des alliés. La disproportion des forces était écrasante. En certains points, les nôtres luttaient un contre dix. Les Russes, constamment renforcés et soutenus par une nombreuse artillerie, s’emparent des villages de Tellnitz et de Sokolnitz. La situation semble critique. Le 1er Dragons intervient et par plusieurs charges heureuses réussit à contenir leur poussée. Sa conduite lui vaut les éloges des troupes d’infanterie qu’il appuie.

Cette victoire termine la guerre ; le 1er Dragon et avec lui le maréchal des logis chef Caillon se rend d’abord à Vienne, puis en basse Autriche. De là, il gagnera au cours de longues marches la zone de cantonnements qui lui est assignée, à l’est de Bonn.

C’est vraisemblablement dans cette région que la Légion d’honneur fut remise, le 16 mars 1806, à Nicolas Caillon. La décoration était accompagnée d’une gratification de 600 F, somme importante pour l’époque [10]. Cette somme, Nicolas Caillon eut la générosité de l’abandonner aux blessés de sa compagnie.

CAMPAGNE DE PRUSSE, 1806

Le séjour de la division Klein au nord-est de Coblence devait durer plusieurs mois. Elle était rattachée au corps d’Augereau.

Mais la Prusse avait signé un traité d’alliance avec la Russie. Le 9 août, les mouvements de concentration de ses armées commençaient et en septembre, elles franchissaient la frontière.

Napoléon n’est pas surpris par ces mouvements, pas plus que par l’ultimatum du roi de Prusse qui lui enjoint de quitter l’Allemagne. Vite, il concentre son armée dans la région de Bamberg. Le 1er Dragons suit le mouvement. Par Aschaffenburg et Würzburg, où Nicolas Caillon se retrouve dix ans après sa première blessure, il arrive à temps pour prendre part à la bataille d’Iéna, le 14 octobre 1806, après avoir parcouru 230 km en cinq jours. « Les braves cavaliers, dit le 5e bulletin de la Grande Armée, frémissant de voir la victoire se décider sans eux, se précipitent partout où ils rencontrent des ennemis. La cavalerie, l’infanterie prussiennes ne purent soutenir leur choc ; en vain, l’infanterie ennemie se forme en bataillons carrés ; cinq de ces bataillons furent enfoncés ; artillerie cavalerie, infanterie, tout fut culbuté et pris. Les Français arrivèrent à Weimar en même temps que l’ennemi. » Le 1er régiment de Dragons avait subi des pertes sérieuses, son chef, le colonel d’Oullembourg [11] avait été laissé pour mort sur le terrain. Les jours suivants, la poursuite continua qui amena le régiment jusqu’à Magdebourg ; de là, un ordre l’envoya à Berlin où il défila lors de la revue triomphale passée le 7 novembre par Napoléon dans la capitale ennemie.

CAMPAGNE DE PRUSSE ORIENTALE, 1807

La Prusse est vaincue, mais la Russie reste en guerre. Aussi, dès le 16 novembre, la division Klein marche sur Varsovie ; puis elle passe sur la rive droite de la Vistule où plusieurs engagements ont lieu avec les Russes. L’armée est dans une situation difficile ; peu de vivres, pas d’avoine pour les chevaux ; les manteaux, les bottes manquent, tout cela, par un temps affreux. Les troupes souffrent beaucoup, mais se plaignent peu. Le sol est marécageux, les chemins sont impraticables ; il faut parfois bivouaquer en plein air, en hiver, en Prusse orientale !

 

Nicolas Caillon conservera sans doute un mauvais souvenir de cette période. De plus, les Russes se montrent agressifs ; des rencontres ont lieu, parfois à leur avantage. Le 8 février 1807, sur un sol couvert de neige et au milieu d’une tempête de neige, s’engage la bataille d’Eylau, bataille sanglante, livrée avec un acharnement égal des deux côtés. Le 1er Dragons fournit plusieurs charges. Au cours de l’une d’elles, Nicolas Caillon reçoit un biscaïen à la jambe gauche, sa quatrième blessure. Mais quelques jours plus tard, il est nommé adjudant sous-officier.

 

L’armée prend ses quartiers d’hiver. Le 1er Dragons est commandé maintenant par le colonel Dermoncourt et le général Latour-Maubourg prend le commandement de la division. Le régiment se battra sous ses ordres, notamment à Heilsberg et le 14 juin à Friedland. Après cette victoire, à laquelle les dragons ont contribué, la poursuite amène Nicolas Caillon jusqu’au Niémen.

EN ESPAGNE ET AU PORTUGAL

La paix s’établit entre Napoléon et Alexandre. Le 1er Dragons est ramené sur l’Oder, puis en Basse-Silésie, à Sagan.

Cependant, en Espagne et au Portugal où Napoléon a deux armées, les choses se gâtent. Le 19 juillet, Dupont capitule à Baylen ; le 31 août, Junot signe au Portugal la convention de la Cintra qui oblige les Français à évacuer le pays. Il faut réagir. Napoléon décide de prendre l’affaire en mains. Il fait voter une levée de 160 000 hommes ; en même temps, les meilleurs éléments de l’armée et en particulier la Garde sont rappelés d’Allemagne. Toutes les divisions de dragons sont englobées dans le mouvement.

 

Que devient le 1er Dragons dans l’aventure ? Son mouvement commence en août 1808. Nous le trouvons à Mayence en septembre, à Metz, puis à Orléans en octobre, à Bayonne le 1er décembre. Sur l’ordre de l’Empereur, des réceptions magnifiques sont préparées par les municipalités aux troupes de passage. Le 1er Dragons fait partie du 1er corps (Victor) [12]. Le 13 janvier 1809, il livre le combat d’Uclès. Les Espagnols y sont complètement défaits, mais l’adjudant Caillon est à nouveau blessé d’un coup de feu.

Le 23 mars suivant, le colonel Dermoncourt donne l’ordre aux sous-lieutenants du régiment de s’assembler et de procéder à la sélection de trois sous-officiers qui seront déclarés candidats à l’emploi de sous-lieutenant. Nicolas Caillon est l’un de ceux qui ont obtenu la majorité des suffrages. Le même jour, les lieutenants réunis, sous la présidence d’un capitaine, portent leur choix sur l’adjudant Caillon. Il est d’ailleurs noté comme suit : « Ancien et brave militaire, belle tenue, sert avec zèle... » Une autre note fait mention de sa bravoure exemplaire.

Le 19 septembre suivant, il est nommé au grade de sous-lieutenant par décision du général de Pully, inspecteur général de la cavalerie. Il a 38 ans.

Le 21 octobre, Nicolas Caillon figure sur l’état nominatif des officiers du 7e régiment provisoire de Dragons avec le grade de sous-lieutenant, en provenance du 1er régiment.

La campagne d’Espagne se poursuit, inexorable tant par la volonté opiniâtre et la férocité des habitants que par les rigueurs d’un climat torride en été, glacial en hiver, et par les maladies, en particulier la dysenterie, qui affligent l’armée. Des 400 000 Français entrés en Espagne, plus de la moitié y trouvera la mort, moins par le feu de l’ennemi que par la maladie.

Le 1er régiment de Dragons est rentré en France. Mais Nicolas Caillon reste dans la péninsule, affecté à un régiment provisoire. « L’armée, écrit le général Belliard, chef d’état-major de Murat, est constituée de pièces et de morceaux. » « Elle comprend, constate Murat, de nombreux corps provisoires, formés de compagnies de différents régiments et organisés à la hâte avec des conscrits jeunes, faibles et malingres. » Pendant cette période, il nous sera difficile de suivre le sous-lieutenant Caillon qui figurera sur les contrôles des 1er et 7e régiments provisoires de Dragons.

Le 1er octobre 1810, Caillon est blessé à nouveau d’un coup de feu à Coïmbre, au Portugal, et son cheval est tué sous lui. C’est sa sixième blessure.

En septembre 1811, nous le trouvons toujours en Espagne, au 1er régiment provisoire 3e compagnie, à la suite du 1er Dragons.

Pendant ce temps, un décret impérial en date du 18 juin 1811 transformait le 1er Dragons en 1er régiment de Chevau-Légers-Lanciers. Les lanciers portaient l’habit vert à plastron et revers rouges et boutons d’or, les épaulettes jaunes, la culotte verte à bande jaune, les gants crispins blancs, le casque à chenille avec plumet blanc. Les lanciers étaient armés de la lance, du sabre et de pistolets. Une petite flamme rouge et blanche était fixée à la partie supérieure de la hampe.

Le 1er janvier 1812, le sous-lieutenant Caillon a rejoint le dépôt de son nouveau régiment à Chartres ; mais déjà le 1er mars, nous le trouvons aux escadrons de guerre à Hanovre ; il compte à la 1re compagnie du 1er escadron.

 

CAMPAGNE DE RUSSIE, 1812

Napoléon songe à attaquer la Russie. En vue de la campagne qui va s’ouvrir, il constitue une immense armée qui comprend une réserve de cavalerie, composée de quatre corps et placée sous le commandement de Murat. Le 1er Chevau-Légers-Lanciers, à peine constitué, ne compte que deux escadrons, les deux autres ne rejoindront qu’à Moscou. Il fait partie du 1er corps (Nansouty) et de la 1re division de Cuirassiers (Saint-Germain).

Le 23 juin, il passe le Niémen ; le 25, il est à Vilna. Les Russes battent en retraite, suivis par notre cavalerie légère. Mais le 25 juillet, ils font tête. Une bataille au cours de laquelle le sous-lieutenant Caillon sera atteint de plusieurs coups de sabre se déroule à Ostrowno. « Jamais, écrit Murat dans son rapport, je n’ai vu de la cavalerie charger l’infanterie avec plus de courage et de succès. » Nicolas Caillon ne semble pas avoir été gravement affecté par ses blessures, mais nous ne sommes pas en mesure de certifier qu’il ait pris part, le 17 août, à la bataille de Smolensk, où son régiment charge avec les cuirassiers de Saint-Germain, ni à celle de la Moskowa où il en fut de même.

Pendant cette longue marche en avant, les troupes se déplacent par une chaleur accablante, au milieu de nuages de poussière. Les Russes appliquent la tactique de la terre brûlée. Le ravitaillement se heurte à des difficultés insurmontables, aussi les pertes en hommes et en chevaux sont-elles considérables.

Le 15 septembre, le 1er Chevau-Légers-Lanciers entre à Moscou où le rejoint le colonel Dermoncourt avec les deux derniers escadrons. Le 25 septembre, Nicolas Caillon est nommé lieutenant.

Le 19 octobre, la retraite commence. Quelques jours auparavant, le général Belliard écrivait : « Je suis fatigué de courir de grange en grange et de mourir de faim. L’approche de l’hiver est effrayante, nous manquons de tout. »

Le 31 octobre, la température baisse considérablement. L’ennemi a changé d’attitude et se montre maintenant agressif. Le 1er Chevau-Légers-Lanciers combat à l’arrière-garde. Le 3 novembre, il participe à la bataille de Wiasma.

Mais les boulets vont plus vite que les chevaux et le lieutenant Caillon en reçoit un dans le dos ; ce projectile est certainement à bout de course, après ricochet, mais Caillon se ressentira de longues années de cette huitième blessure. Quelques jours plus tard, les grands froids commencent. On se demande comment Nicolas Caillon put, malgré sa blessure, suivre le mouvement de l’armée ; il le dut certainement à sa robuste constitution, à son entraînement, à une volonté de fer. Il n’y avait pas d’évacuation possible à ce moment.

« La cavalerie, si belle il y a six mois, écrit le capitaine François, était presque entièrement démontée ; les hommes se dispersent et n’ont plus de discipline... La subordination est inconnue, l’officier général n’est plus à même de s’occuper des soldats qui ont fait sa gloire... Les hommes qui, comme moi, ont conservé quelque peu de force morale et de confiance, sont tourmentés par la faim. Un cheval tombe, ils se précipitent dessus et s’en disputent les lambeaux... Lorsque le repas est terminé, excédés par ces longues marches, ne couchant que sur la neige sans pouvoir jouir d’une heure de sommeil, ne trouvant aucun coin pour se garantir du vent qui empêche de faire du feu, généraux, officiers et soldats se réunissent sans distinction et se serrent les uns contre les autres pour s’échauffer en attendant l’heure du départ. »

Tel fut le sort du lieutenant Caillon pendant cette période. La division Saint-Germain, la sienne, compte le 20 novembre, 21 officiers montés, 16 non montés et 101 hommes dont 85 seulement sont armés. Cependant, à Smolensk du 14 au 16 novembre, Napoléon a été informé de la conspiration de Malet. On forme un escadron sacré dont Grouchy prend le commandement. Cette cavalerie d’élite où les généraux font office de capitaines et les colonels de sous-officiers, est bientôt entraînée dans la dissolution générale. Le colonel Dermoncourt et vraisemblablement le lieutenant Caillon font partie de la 1re compagnie. Le 25 novembre, la Bérézina est franchie, on sait dans quelles circonstances.

 

CAMPAGNE DE 1813

Au début de l’année, le 1er régiment de Chevau-Légers se reforme à Brunswick. Son effectif a fondu. Il ne compte le 25 avril que 5 officiers et 124 hommes. La cavalerie se réorganise péniblement, car les cadres et les hommes instruits ont pour la plupart disparu. Elle reçoit un nombre relativement élevé de conscrits et de chevaux de nouvelle levée. Toute l’instruction est à refaire. Mais comme la cavalerie est une arme qui ne peut s’improviser, elle restera longtemps sans rendre grands services.

Le 1er Chevau-Légers fait partie maintenant de la 1re Division de cavalerie légère (général Brugère) et du 1er corps de cavalerie (Latour-Maubourg). Caillon a été nommé adjudant-major le 21 avril. Il assiste, en cette qualité, à la prise de Merseburg, puis le 2 mai, à la bataille de Lützen, puis il entre à Dresde et participe le 22 du même mois au combat de Reichenbach, où la cavalerie fournit des charges brillantes. Au cours de cette dernière affaire, le régiment se distingue particulièrement. Il s’empare d’une redoute fortifiée et vivement défendue. C’est au cours de cette bataille que furent tués, presque dans les rangs du 1er Chevau-Légers notre illustre compatriote, Duroc, maréchal du Palais [13], et le général Brugère, commandant la division.

Le 1er Chevau-Légers prend part à la poursuite qui le conduit jusqu’en Basse-Silésie. Un armistice est signé, bientôt dénoncé et suivi de l’entrée en guerre de l’Autriche. Les 26 et 27 août, Napoléon défait les Autrichiens à Dresde. La cavalerie de Latour-Maubourg culbute les troupes ennemies et les poursuit. Le 1er Chevau-Légers va trop loin, il est enveloppé par l’ennemi, mais réussit à se dégager. Nicolas Caillon est nommé capitaine le 6 septembre et prend le commandement d’une compagnie qu’il conduira désormais au combat. Nous pouvons nous imaginer quel devait être auprès de ses soldats, le prestige de cet officier, vétéran des guerres de la Révolution, souvent blessé, et fort d’une expérience acquise au cours de vingt campagnes.

Mais l’armée française est aux prises avec des forces de beaucoup supérieures. L’Empereur la concentre près de Leipzig où elle doit faire face aux Autrichiens, aux Prussiens et aux Russes. La bataille dure trois jours. Le 16 octobre, le 1er corps de Cavalerie remporte un brillant succès sur la cavalerie russe, mais ne peut l’exploiter en raison de l’état marécageux du sol. Le 18 octobre, il fournira encore plusieurs charges et s’efforcera de contenir la pression des alliés, mais les pertes subies, le manque de munitions, la supériorité des forces ennemies, la défection de nos alliés saxons et wurtembergeois obligent Napoléon à battre en retraite. Le 1er Chevau-Légers Lanciers a subi des pertes sérieuses, dont celle d’un commandant et de quatre capitaines. Il traverse Leipzig, suivi par l’armée et prend le chemin de la France. Auparavant, il faut encore livrer bataille. Les Bavarois, passés à la coalition, tentent de couper la route aux débris de la Grande Armée. Ils se font culbuter à Hanau le 30 octobre. Le régiment prend une part efficace à cette affaire où il subit de nouvelles pertes.

L’armée repasse le Rhin en novembre et en décembre, le régiment se trouve dans la région de Mayence. Une terrible épidémie de typhus y sévit qui achève de désorganiser l’armée. Larrey arrive dans un hôpital : « J’y trouvais, écrit-il, pêle-mêle les morts et les vivants, les blessés et les fiévreux, les malades entassés les uns sur les autres, couchés par terre, sans paille et dans leurs ordures. Il y en avait qui reposaient sur les cadavres de leurs camarades. Ils étaient depuis deux, trois ou quatre jours sans avoir eu seulement de l’eau à boire. »

Caillon échappera cette fois encore à la contagion. Nous le trouvons le 1er décembre au dépôt de son régiment ; le 1er février 1814, il rejoint les escadrons de guerre.

CAMPAGNE DE FRANCE, 1814

 

L’Empereur a réorganisé son armée. Le 1er Chevau-Légers-Lanciers fait partie du 1er corps de Cavalerie (Bordesoulle), de la 1re division de Cavalerie légère (Merlin), 1re brigade (Wathier). Ces grandes unités n’ont que des effectifs squelettiques. Néanmoins, elles continueront à servir Napoléon avec le même dévouement, allié naturellement au désir ardent de bouter l’ennemi hors de France. Sans aucun doute, ces sentiments sont ceux qu’éprouve le capitaine Caillon, qui a la douleur de voir envahie sa Lorraine natale. Le 1er Chevau-Légers est rattaché au 6e corps (Marmont) ; il prend part aux batailles de Champaubert (10 février), contribue à la destruction du corps russe d’Olsufiev. Le 14, il est à Vaux-champs, puis est chargé d’observer l’ennemi en retraite. En mars, il est devant Craonne, puis, toujours avec le corps Marmont, progresse à la poursuite de Blücher jusqu’aux environs de Laon. Le 9 mars, dans la nuit, le corps Marmont, mal gardé et peut-être rendu trop confiant par ses derniers succès, est surpris près d’Athies par une attaque en masse de la cavalerie prussienne. Les troupes de Marmont qui comprennent, comme toute l’armée, une grande majorité de conscrits, se débandent et perdent leur artillerie. La cavalerie n’a pas le temps de se regrouper et se défend par groupes isolés. « Dispersée dans la plaine, écrit le colonel Fabvier, chef d’état-major [14], maltraitée par une cavalerie supérieure et qui l’enveloppait, fut mise en désordre ; les escadrons couraient la campagne pêle-mêle avec l’ennemi. » Plusieurs se défendirent vaillamment. Tel fut certainement le cas du capitaine Caillon qui, au cours de cette affaire, reçut plusieurs coups de sabre.

Nous n’avons aucun renseignement sur le sort subi par le capitaine Caillon après cette neuvième et dernière blessure. Son régiment prit part, vraisemblablement sans lui, à plusieurs combats et à la défense de Paris quelques jours plus tard.

LA PREMIÈRE RESTAURATION

La royauté était rétablie. Par ordonnance du 12 mai 1814, le 1er régiment Chevau-Légers-Lanciers prend le nom de Régiment du Roi, 1er Lanciers. Il le gardera jusqu’au 25 avril 1815 et servira sous l’étendard à fond blanc portant l’écu de France et le numéro du régiment. Nicolas Caillon y figure comme capitaine à la date de l’organisation du régiment le 16 août 1815 ; il est alors noté comme suit par ses nouveaux chefs : « Belle taille, bon physique. — Capacité : bon officier, peu d’usage, sert bien, beaucoup de zèle. — Conduite : bonne. — Fortune : sans fortune. — État des père et mère : propriétaires, morts. » Il n’est fait nullement mention de sa bravoure exemplaire, ni de ses états de service.

Au début de 1815, le 1er Lancier est à Chartres. En mars il se trouve à Paris, au moment où Napoléon revient de l’île d’Elbe. Le 6 mars, le général Alphonse de Colbert est mis à la tête de la brigade formée par les 1er et 2e Lanciers pour faire partie sous les ordres de Kellermann, de l’armée en voie d’organisation par le duc de Berry. Cette brigade conservera son ordre et sa discipline jusqu’au départ du roi. Le roi parti, Colbert se rallie, avec sa brigade, à l’Empereur.

CAMPAGNE DE 1815

Les 1er et 2e Lanciers sont affectés à l’armée du Nord et prendront part à différents combats. Ils s’illustreront en culbutant à Genappe une brigade de hussards anglais. A Waterloo, le 1er Lanciers fournira plusieurs charges remarquées qui lui méritent les félicitations de Napoléon. Mais le capitaine Caillon était-il à Waterloo ? Nous ne le pensons pas. En effet, une note de son dossier indique que le 10 juin, il était au dépôt. Il paraît donc difficile qu’il ait été huit jours plus tard à Waterloo. D’autre part, il n’est jamais fait mention de la campagne de 1815 dans ses états de service, voire dans l’article nécrologique qui lui a été consacré dans un journal de Nancy en 1843. Enfin, dans une lettre datée du 18 novembre 1815, Caillon affirme être resté au dépôt pendant les Cent-Jours. Nous n’avons nullement le droit de mettre en doute sa parole.

Après la capitulation de Paris, l’armée doit se retirer, la rage au cœur, au sud de la Loire. C’est à ce moment que, croyons-nous, le dépôt du 1er Lanciers dut rejoindre le régiment où il y avait sans doute des vides à combler. Nicolas Caillon figure alors sur l’état des officiers avec la mention : « Présent aux escadrons de guerre. »

LA SECONDE RESTAURATION

L’armée est réorganisée. On nomme quantité de généraux et d’officiers en provenance de l’émigration. Il faut leur faire place. Le 28 juin, par la proclamation de Cambrai, Louis XVIII avait promis de pardonner aux « égarés ». En réalité, dix-neuf généraux sont traduits devant des Conseils de guerre, nombreux sont les officiers placés sous la surveillance de la police en attendant le règlement de leur sort. Certains, prévenus à temps, ont pu s’échapper ; à ceux qui restaient, on a extorqué la soumission. En août, le 1er Lanciers, passé par Gien et par Limoges, est à Agen. La terreur blanche bat son plein ; l’armée est disloquée. Le 12 octobre, Clarke, ministre de la Guerre, fait signer au roi une ordonnance instituant une commission chargée d’examiner la conduite des officiers de tout grade qui avaient servi pendant l’usurpation ; aucun officier de l’armée des Cent-Jours ne devait exercer un commandement sans l’avis de cette commission.

Que fait Nicolas Caillon ? Il essaie de s’en tirer en retournant sa veste, comme beaucoup et non des moindres l’ont fait qui, plus que lui, avaient été comblés par l’Empereur. Ne citons pour l’exemple que Larrey, le chirurgien de Napoléon, baron de l’Empire, qui jouissait de l’estime de tous. Mais la cause de Napoléon n’était-elle pas définitivement perdue ? Toujours est-il que Caillon adressa le 18 novembre à la commission chargée d’examiner son cas, une lettre où il déclare : « Je désire servir Sa Majesté, je n’ai point démérité le serment de fidélité que j’ai prêté dans le mois de septembre (1814), occupé de mon état au dépôt pendant l’usurpation... » et il proteste de son dévouement au gouvernement et conclut en assurant : « ma conduite justifiera du choix que je réclame en ma faveur ».

Mais l’heure est à la répression. Il s’agit de débarrasser l’armée des éléments indésirables et on ne saurait oublier que Caillon a été volontaire national en 1792. Pour lui, les motifs ne manquent pas.

ADIEU A L’ARMÉE

On le fait figurer sur la liste des officiers que des blessures et des infirmités mettent hors d’état de continuer le service actif et qui, pour ce motif, sont à la retraite de plein droit, conformément aux dispositions de l’article 1 de l’ordonnance du 1er août 1815. Il figure donc sur cette liste avec l’annotation suivante : « Caillon Nicolas, capitaine — Atteint de gêne et de difficulté extrême dans la respiration, suite d’un coup de boulet qui a fortement contus et ébranlé le thorax et, en outre, atteint de la perte du mouvement des doigts annulaire et auriculaire de la main droite, dont les tendons extenseurs ont été coupés d’un coup de sabre. » Aussi n’est-il pas étonnant que le 22 juillet 1816, le secrétaire d’État au département de la Guerre informe le capitaine Caillon de ce que « n’étant point compris dans la nouvelle organisation de l’armée, il est autorisé à se retirer dans ses foyers où il recevra le traitement alloué par les ordonnances du roi aux officiers de son grade en non-activité ». Cette décision ajoute que l’officier intéressé se tiendra prêt à rejoindre au premier appel qui pourra lui être fait de rentrer en ligne.

Le montant de sa retraite s’élève à 1 200 F par an. Combien cela ferait-il aujourd’hui ? Invité à faire connaître le lieu de la résidence qu’il a choisie, notre héros indique Neuves-Maisons.

ÉPILOGUE

Nicolas Caillon devait rester peu de temps dans son village natal. Il se rendit bientôt à Nancy. On l’imagine sans peine sous l’uniforme des demi-soldes illustrés par Raffet, promenant son ennui et sa tristesse sur la Carrière ou à la Pépinière, si proches de la rue des Maréchaux où il habitait, évoquant avec ses camarades d’infortune les heures de gloire d’autrefois et ne ménageant pas au gouvernement d’alors critique et sarcasmes. Parmi ses compagnons d’armes, il trouva ou retrouva le capitaine Marchai, comme lui demi-solde et membre de la Légion d’honneur, comme lui traînant la jambe et de surcroît presque aveugle. C’est peut-être grâce à lui qu’il fît la connaissance de l’une de ses parentes, Félicité-Justine Poma. Elle était la fille de Félix Poma, médecin lorrain, ancien médecin-chef de l’armée de Rhin-et-Moselle, membre de plusieurs sociétés savantes, très connu par ses travaux scientifiques décédé en 1794. Elle avait 28 ans, Caillon en avait 46. Leur mariage fut célébré le 8 octobre 1817 à Nancy. Étaient témoins Louis-Joseph Charlot, conseiller à la Cour royale de Nancy, Nicolas-Jean-Baptiste Boulangé, notaire royal, Jacques-Joseph Marchai, capitaine en retraite, chevalier de la Légion d’honneur et Joseph-Félix Poma, docteur en médecine, frère de la mariée. Les deux époux s’établirent au 35 de la rue Stanislas. Ils n’eurent pas d’enfants.

Leur maison a conservé, malgré les transformations que les quartiers centraux de Nancy ont subies, sensiblement le même aspect qu’elle devait avoir en 1817, et ce n’est pas sans quelque émotion que l’on évoque le capitaine Caillon, vieillissant, passant la porte de cette maison au bras de son épouse, ou appuyé sur une canne dont ses nombreuses blessures réclamaient l’emploi.

La vie active de notre héros était terminée et il est permis de penser que les époux menèrent une vie heureuse et sans histoire. Sur une miniature, Nicolas Caillon se présente en uniforme d’officier de Chevau-Légers : col et plastron écarlates sur un habit vert foncé, épaulette d’argent, plaque de ceinturon et baudrier frappés de l’aigle couronné. On retrouve sur le portrait les yeux gris bleu, le nez court et épaté de l’état signalétique. Sur le portrait de Félicité-Justine, on remarque la large plaque d’écaillé fixée en arrière de ses boucles brunes, la collerette de mousseline, les manches bouffantes d’une étoffe qui paraît de velours, la taille haute serrée par une ceinture à boucle. Ces détails permettent de situer l’œuvre de l’artiste entre 1815 et 1822.

Le 9 juillet 1843, à 11 heures du matin, Nicolas Caillon mourait à l’âge de 72 ans. Il avait eu la joie de voir le drapeau tricolore flotter à nouveau sur le sol lorrain. Le journal L’Espérance, de Nancy, en date du 11 juillet, lui consacra un article où, après avoir retracé à grands traits sa vie, ses campagnes et le combat d’Albreck, l’auteur de l’article poursuivait :

« Nicolas Caillon était d’un caractère aimable et franc, de mœurs simples, douces et polies. Doué d’une prodigieuse mémoire, il racontait avec autant de modestie que de précision et jusque dans les moindres détails les différents combats où il avait joué un rôle. Des renseignements communiqués par des témoins oculaires de cette trempe, joignant la probité de l’honnête homme à la bravoure du soldat, seraient de précieux éléments pour une bonne histoire des guerres de la République et de l’Empire.

Le digne militaire dont nous déplorons la perte a couronné par une mort édifiante et toute chrétienne une vie partagée entre le tumulte des camps et les habitudes paisibles du citoyen. Tant il est vrai que la Foi, loin d’être incompatible avec la vaillance, en rehausse l’éclat et le mérite. Malgré la pluie, un convoi nombreux, où figuraient plusieurs de ses anciens frères d’armes, a accompagné ses restes jusqu’au cimetière de Préville. »

Félicité-Justine Poma survécut de longues années à son mari et mourut en 1873 à Ludres où elle s’était retirée.

Lorsqu’on lit attentivement les historiques du 1er Dragons et du 1er Chevau-Légers, on ne peut manquer d’être surpris par le nombre d’affaires, de combats, de batailles auxquels ces régiments prirent part, et par le chemin parcouru. Si l’on excepte les campagnes d’Égypte et d’Autriche en 1809, Caillon a été partout. Pour une narration fidèle de la longue carrière de notre héros, il eut fallu un livre. Mais nous n’avons pas les moyens de l’écrire. Caillon n’a pas laissé de mémoires, comme le capitaine Coignet ou le sergent Bourgogne, pas même de lettres. Nous avons dû limiter nos efforts à résumer ce que nous avions pu apprendre de sources diverses, sur l’homme et son régiment, au sein d’une épopée qui n’est plus à conter. Nous estimons cependant qu’une telle vie méritait d’être retracée et même si le récit a pu en paraître monotone, nous avons préféré suivre l’histoire d’aussi près que possible plutôt que de romancer une existence suffisamment mouvementée comme cela.

P. DENIS, A. DUPOUY [15].

 

[1] Après Austerlitz, une épidémie de typhus cause la mort de plus de 12 000 soldats.

[2] Ce ne fut heureusement pas toujours le cas.

[3] Le général Morlot est né à Bousse (Moselle).

[4] Un escadron comprenait 2 compagnies, comptant 67 hommes ; chaque compagnie était commandée par un capitaine.

[5] Le général Klein est né à Blâmont en 1761, sénateur et comte de l’Empire, pair de France en 1814, grand-croix de la Légion d’honneur, il est décédé à Paris, le 2 novembre 1845.

[6] Le général Richepance est né à Metz en 1770 et mort à la Guadeloupe en 1802.

[7] Né à Bar-le-Duc en 1767, futur maréchal de France et duc de Reggio.

[8] Cousin de Napoléon, futur duc de Padoue.

[9] Albeck, à 2 km, au nord-est d’Elchingen et à 10 km d’Ulm.

[10] Le prix de deux chevaux d’armes.

[11] Le colonel d’Oullembourg, retraité comme général, mourut en 1833 à Nancy.

[12] Le maréchal Victor est né à Lamarche (Vosges).

[13] Né à Pont-à-Mousson.

[14] Le colonel Fabvier, plus tard général, est né à Pont-à-Mousson en 1782.

[15] Pays Lorrain, 1969, p. 93.