MONUMENT A PULLIGNY


Le Progrès de l'Est, samedi 25 juillet 1891.

Dimanche 26 juillet, comme nous l’avons déjà annoncé, aura lieu, à onze heures du matin, au cimetière de Pulligny, la cérémonie de l'inauguration du monument élevé, par souscription, à la mémoire des volontaires de cette commune morts pendant la guerre de 1870-1871. Nous avons d'ailleurs publié les listes de souscriptions.

Cette cérémonie patriotique est de nature à attirer bon nombre de Nancéiens dans cette située sur la ligne de Nancy à Vézelise et à vingt-six kilomètres du chef-lieu du département. La gare de Pulligny-Autrey se trouve à environ un kilomètre de l'agglomération communale ; elle est située sur le territoire du village d'Autrey, dont une élévation de terrain empêche d'apercevoir les maisons.

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A quelque distance de la gare, on traverse un pont assez élégant jeté sur le Madon ; puis, la route, bordée de maisons, s'élargit tout à coup de manière à former une place dont l'autre extrémité aboutit à une seconde route perpendiculaire à celle qui mène de la gare à Pulligny.

Cette seconde route est celle de Frolois-Ceintrey. Prend-on à gauche, on arrive à Frolois dont le « trésor » mystérieux a fait tourner bien des têtes et occasionné bien des recherches. A droite, on se dirige vers Ceintrey, et, à deux cents mètres environ de Pulligny on arrive au cimetière clans lequel a été érigé le monument des volontaires de la commune.

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Sur ce monument, orné des armes de Pulligny, sont gravés les noms des combats auxquels ont pris part les volontaires, et les noms de ces derniers qui ont succombé, Crépey, Simon, et le Vaillant capitaine Dautel. Né le 11 janvier 1816 à Gy, dans la Haute-Saône, M. Daniel, soldat en 1838, avait passé de longues années en Algérie, avait fait les campagnes d'Afrique, de Crimée et d'Italie, avait été blessé aux combats de l'Oued-en-Seris et des Beni-Menasses ; avait été cité à l'ordre du jour au lendemain de plusieurs batailles.

Admis à la retraite en 1860 pour cause de blessures, chevalier de la Légion d'honneur, décoré des médailles d'Angleterre et d'Italie, nommé percepteur à Pulligny, estimé de tous, entouré d'une famille qui faisait sa joie, M. Dautel, quand vint l'heure des revers, ne jugea pas qu'il eût rempli suffisamment son devoir, reprit du service, entra dans le corps franc des Vosges en qualité de capitaine, participa aux affaires de Brouvelieures, Nuits, Marnay, Saint-Jean-de-Losne, et le 22 décembre 1870, au moment où il allait recevoir la croix d'officier de la Légion d'honneur, succomba à Dôle aux suites de ses fatigues et de ses blessures. Voilà, certes, une carrière dignement remplie et l'on ne saurait s'empêcher de répéter avec le colonel Bourras qu'un pareil dévouement à la patrie, une pareille abnégation, méritent de faire l'admiration de tous.

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Pulligny, où va être inauguré ce monument, sans avoir joué dans l'histoire lorraine un rôle considérable, y a cependant tenu une certaine place depuis le commencement du quatorzième siècle, époque où elle fut le théâtre d’une bataille entre le Comte de Vaudémont et le duc Thiébaut, qui y fut blessé. Dom Calmet, Durival, Lepage, lui ont consacré des lignes intéressantes. Durival, dans sa Description de la Lorraine et du Barrois, éditée à Nancy en 1779, y signalait les restes des ruines d'un ancien château et de plusieurs maisons de gentilshommes et une église paroissiale fort ancienne, remplie, écrivait-il, de chapelles et de monuments.

Durival ajoutait que la fontaine de Pulligny avait sans cloute servi de modèle à celle de Vézelise, que certaines parties en étaient d'un caractère oriental qui paraîtrait appartenir au douzième siècle, mais en faisant observer qu'il serait singulier qu'un monument aussi fragile eut duré aussi longtemps ; il nous entretient aussi de l'ermitage ou oratoire de Savignon et de l'hôpital que cette petite ville possédait jadis.

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La Notice de Dom Calmet sur la Lorraine nous prévient charitablement de ne pas confondre notre Pulligny avec Pulligny en Bourgogne, avec Pulnoy proche Nancy, avec Pulgny (Pulney) à une lieue de Vaudémont. Selon sa coutume, le savant bénédictin ne néglige aucun détail, attribue une extraordinaire importance au mariage d'Isabelle de Pulligny avec Jacques, seigneur de Plombières, fils de Ferry de Lorraine et petit-fils du duc Ferry qui, en 1492, avait bâti le château de Plombières, à la description des armoiries de la maison, depuis longtemps éteinte, de Pulligny.

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La plupart des renseignements donnés sur Pulligny par Durival et Dom Calmet sont encore en partie exacts aujourd'hui et les traces d'un passé lointain n'ont pas entièrement disparu. L'histoire de Pulligny présente donc quelque intérêt, et va s'enrichir d'une page, modeste peut-être, mais bien patriotique, le jour de l'inauguration du monument que l'on vient d'ériger à la mémoire de nos Volontaires, tombés pour la France envahie. Si l'on ajoute que les habitants sont réputés pour la cordialité habituelle de leur accueil et que les coteaux du pays produisent un vin qui n'est pas désagréable, tant s'en faut, nous aurons l'explication du nombre assez considérable d'habitants des environs qui ont manifesté l'intention d'aller dimanche à Pulligny.

Jean DEBREUX.