François II de BASSOMPIERRE, 15791646 (âgé de 67 ans)

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Nom
François II /de BASSOMPIERRE/
Prénom(s)
François II
Préfixe du nom de famille
de
Nom de famille
BASSOMPIERRE
Surnom
Maréchal de Bassompierre
Note : IIème du nom
Naissance
Note : "C’était le dimanche de Pâques fleuries, autrement dit les Rameaux. Le mardi suivant, le duc de Lorraine en personne assista au baptême du nouveau-né dont la marraine fut Diane de Dammartin ."
Profession
Chevalier des Ordres du Roi, Militaire et diplomate
Note : Se distinguant dans la plupart des guerres que mèneront Henri IV puis Louis XIII, comme lors du siège de Saint-Jean-d'Angély, il est nommé, en 1614, colonel général des Suisses et, en 1622, maréchal de France. Louis XIII l'emploiera également dans diverses ambassades, en Espagne, en Suisse et en Angleterre.

Se distinguant dans la plupart des guerres que mèneront Henri IV puis Louis XIII, comme lors du siège de Saint-Jean-d'Angély, il est nommé, en 1614, colonel général des Suisses et, en 1622, maréchal de France. Louis XIII l'emploiera également dans diverses ambassades, en Espagne, en Suisse et en Angleterre.
[wikipedia]

Fait
Aïeul du maréchal François II de BASSOMPIERRE
Décès d’une sœur
Note : Mourut jeune
Roi de France
Henri IV le Grand
1 août 1589
Histoire du Quercy
Épidémie de peste en Quercy
1593
Décès du père
Décès d’un frère
Note : "mourut en 1601 des suites des blessures reçues au siège d’Ostende"
Mariage d’une sœur
Mariage d’une sœur
Décès d’une sœur
Cause : Morte en couches
Roi de France
Louis XIII le Juste
14 mai 1610
Mariage d’un frère
Mariage
Note : Secrètement.

Secrètement.
Bassompierre est emprisonné, selon Saint-Simon, à cause de cette alliance, et malgré les services rendus, Louis XIII, cédant aux instances et conseils du cardinal de Richelieu, à la suite de la journée des Dupes, le fait arrêter, le 25 février 1631, pour complot et emprisonner à la Bastille. Il y reste 12 ans et n'en sortira qu'à la mort du roi en 1643. Pourtant, Bassompierre n'avait jamais réellement comploté. Bravant l'adversité, il sut aménager sa captivité qui, sans être douce, ne fut point trop cruelle.
[wikipedia]

Militaire
Maréchal de France
1622
Événement
Le roi (Louis XIII), servant les vengeances du Cardinal de Richelieu, le fit emprisonner, en parlant de son innocence : son crime était d’avoir favorisé le mariage de Monsieur (frère du roi) avec la princesse Marguerite, sœur de Charles IV (de LORRAINE). Il recouvra sa liberté à la mort du cardinal, après 13 ans de détention
de 1630 à 1642
Décès d’une épouse
Décès d’un frère
Roi de France
Louis XIV le Grand
14 mai 1643
Décès de la mère
Non marié(e)
Fiançailles
Non marié(e)
Décès
Adresse : au château du duc de Vitry
Cause du décès : très probablement des suites d’une banale indigestion.
Note : Au moment de la mort de Bassompierre, on avait parlé d’empoisonnement mais l’autopsie n’a rien révélé.
Sépulture
Adresse : Couvent des Minimes de Nigeon
Titre
Seigneur de Bassompierre, marquis d’Haroué
Famille avec les parents
père
mère
Mariage Mariage5 octobre 1572
7 ans
lui
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15791646
Naissance : 12 avril 1579 32 Haroué (54)
Profession : Chevalier des Ordres du Roi, Militaire et diplomate
Décès : 12 octobre 1646Provins (77)
frère
frère
sœur
sœur
sœur
Famille avec Julienne Hippolyte d' ESTRÉES
lui
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15791646
Naissance : 12 avril 1579 32 Haroué (54)
Profession : Chevalier des Ordres du Roi, Militaire et diplomate
Décès : 12 octobre 1646Provins (77)
conjointe
Non marié(e) Non marié(e)
Famille avec Charlotte de MONTMORENCY
lui
06_Noblesse/01_Portraits/François de Bassompierre.jpg
15791646
Naissance : 12 avril 1579 32 Haroué (54)
Profession : Chevalier des Ordres du Roi, Militaire et diplomate
Décès : 12 octobre 1646Provins (77)
fiancée
Non marié(e) Non marié(e)
fils
1676
Profession : Evêque de Saintes & premier Aumônier de PHILIPPE de France, Duc d'Orléans
Décès : 1 juillet 1676
Famille avec Louise-Marguerite de LORRAINE-GUISE
lui
06_Noblesse/01_Portraits/François de Bassompierre.jpg
15791646
Naissance : 12 avril 1579 32 Haroué (54)
Profession : Chevalier des Ordres du Roi, Militaire et diplomate
Décès : 12 octobre 1646Provins (77)
épouse
Mariage Mariage1614
fils
Georges de BRANCAS + Julienne Hippolyte d' ESTRÉES
époux du conjoint
conjointe
Mariage Mariage7 janvier 1597Rouen (76), Seine-Maritime, Normandie, FRANCE
2 ans
fille du conjoint
15981654
Naissance : vers 1598 30 23
Profession : Dame d’honneur (sans gages) de la reine Anne d’Autriche de 1652 à 1654.
Décès : après 1654
13 ans
fils du conjoint
16101679
Naissance : vers 1610 42 35
Profession : Maréchal de camp à Lugny en 1650
Décès : 14 octobre 1679
9 ans
fils du conjoint
16181681
Naissance : 1618 50 43
Profession : Lieutenant général, Chevalier d'Honneur d'Anne d'Autriche Reine de France
Décès : 8 janvier 1681Paris
fille du conjoint
Profession : Religieuse, Supérieure et fondatrice des Ursulines de Narbonne
Décès :
Henri II de BOURBON-CONDÉ + Charlotte de MONTMORENCY
époux de la fiancée
15881646
Naissance : 1588 36 Saint-Jean-d'Angély (17)
Décès : 1646Paris
fiancée
Mariage Mariage17 mai 1609Chantilly (60), Oise, Hauts-de-France, FRANCE
11 ans
fille de la fiancée
3 ans
fils de la fiancée
9 ans
fils de la fiancée
François de BOURBON + Louise-Marguerite de LORRAINE-GUISE
époux de l’épouse
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15581614
Naissance : 19 août 1558 28 23 La Ferté-sous-Jouarre (77)
Décès : 3 août 1614Paris
épouse
Mariage Mariage
Naissance

"C’était le dimanche de Pâques fleuries, autrement dit les Rameaux. Le mardi suivant, le duc de Lorraine en personne assista au baptême du nouveau-né dont la marraine fut Diane de Dammartin ."

Mariage

Secrètement.
Bassompierre est emprisonné, selon Saint-Simon, à cause de cette alliance, et malgré les services rendus, Louis XIII, cédant aux instances et conseils du cardinal de Richelieu, à la suite de la journée des Dupes, le fait arrêter, le 25 février 1631, pour complot et emprisonner à la Bastille. Il y reste 12 ans et n'en sortira qu'à la mort du roi en 1643. Pourtant, Bassompierre n'avait jamais réellement comploté. Bravant l'adversité, il sut aménager sa captivité qui, sans être douce, ne fut point trop cruelle.
[wikipedia]

Profession

Se distinguant dans la plupart des guerres que mèneront Henri IV puis Louis XIII, comme lors du siège de Saint-Jean-d'Angély, il est nommé, en 1614, colonel général des Suisses et, en 1622, maréchal de France. Louis XIII l'emploiera également dans diverses ambassades, en Espagne, en Suisse et en Angleterre.
[wikipedia]

Nom

IIème du nom

Décès

Au moment de la mort de Bassompierre, on avait parlé d’empoisonnement mais l’autopsie n’a rien révélé.

Événement

François II de BASSOMPIERRE a 0 cousin germain connu

Famille paternelle (0)

Famille maternelle (0)

Le maréchal François de Bassompierre 1579-1646


Cet article biographique a été rédigé à partir d’une conférence prononcée au Musée lorrain le 9 janvier 1982.

Parmi les grandes figures militaires de la première moitié du XVIIe siècle, François de Bassompierre, maréchal de France d’origine lorraine puisqu’il était né à Haroué [1], occupe une place de choix, ce d’autant plus qu’il a laissé de précieux Mémoires [2], abondamment et complaisamment utilisés par la majorité des historiens des règnes de Henri IV et de Louis XIII [3].

L’ASCENDANCE DE FRANÇOIS DE BASSOMPIERRE

Selon certains historiens qui se fient à la généalogie donnée par le maréchal lui-même, la maison de Bassompierre serait originaire d’Allemagne. François de Bassompierre écrit dans ses Mémoires que c’était une branche de la maison de Ravensberg, localité de Westphalie. Celle-ci a possédé les comtés de Ravensberg, Ravenstein et les baronnies d’Albe, aujourd’hui Sarralbe et Bettstein, en français Bassompierre. Par ailleurs, l’empereur Ferdinand III aurait reconnu cette famille comme une branche cadette de l’ancienne maison de Clèves.

Pour d’autres généalogistes, les Bassompierre ne seraient qu’une famille d’ancienne noblesse luxembourgeoise, du Luxembourg de langue germanique [4]. Elle est de toute façon issue du village de Bassompierre, en allemand Bettstein, écart de la commune de Boulange, non loin de Thionville mais on ignore encore si la famille a donné son nom au village ou si c’est le village qui a donné son nom à la famille. Toujours est-il que cette localité de Bassompierre est citée en 1138 sous son nom latin de Bassompetra [5].

Pour plusieurs chercheurs contemporains, les Bassompierre peuvent tout aussi bien être issus des Bettstein d’Allemagne que de Champagne. Aux XIIe et XIIIe siècles, il existait des liens très étroits entre les Bassompierre et la famille de Fontoy, localité proche. Les recherches récentes de M. Robert Dehlinger ont fait apparaître que les Bassompierre pourraient être des descendants de la grande lignée de Naives-Briey [6]. Aussi, pour qui voudrait étudier cette famille qui portait « d’argent à trois chevrons de gueules » faut-il se méfier tout particulièrement des généalogies anciennes [7].

Celle des ancêtres du maréchal n’est précise qu’à partir de la fin du XIIIe siècle, c’est-à-dire depuis Olry Ier de Bassompierre mentionné dans les années 1281-1293. Dans la seconde moitié du XVe siècle, les Bassompierre sont attachés aux ducs de Bourgogne alors seigneurs du Luxembourg puis, à la suite d’un différend avec Charles le Téméraire, ils passèrent au service du duc de Lorraine René II. C’est ainsi que Geoffroy II de Bassompierre (1456-1519) prit part en 1477 à la bataille de Nancy dans les rangs lorrains. Par la suite, le duc lui confia quelques missions délicates et il acheva sa vie comme conseiller et chambellan ducal. Nous en arrivons ainsi à la seconde moitié du XVIe siècle et à Christophe II de Bassompierre qui est le père de notre maréchal [8]. Christophe était né vers 1547 et passa une bonne partie de sa vie au service du roi de France. A 19 ans, il était déjà colonel de 1500 chevaux.

Dans les rangs catholiques, il a participé aux luttes religieuses de la fin du XVIe siècle et c’est lui qui, en 1592, reprit aux protestants les places alsaciennes de Molsheim, Dachstein et Benfeld. Catholique convaincu, il finit par se brouiller avec le roi Henri III et on le retrouve partisan du duc de Guise et de la Ligue. Il combat à Arques et à Ivry avant de se révéler habile négociateur. Il prend alors part aux négociations de paix menant au traité de Folembray signé à la fin de 1595 entre le roi de France et le duc de Lorraine Charles III. Honoré dans les dernières années de sa vie, il est conseiller de Charles III, grand maître de son hôtel et responsable de ses finances.

Le 24 mars 1592, Christophe de Bassompierre avait fondé à Nancy le couvent des Minimes où il fut enterré avec son épouse [9]. David de Chaligny leur éleva un magnifique mausolée dont Lionnois nous a donné la description mais malheureusement il n’en reste guère que quelques débris recueillis par le Musée lorrain. Sur l’actuelle place de la Carrière, il possédait un très bel hôtel particulier [10] ainsi qu’un autre situé au 8, rue Lafayette [11].

Tout au long de sa vie, Christophe de Bassompierre s’était intéressé à toutes ses possessions et tout particulièrement à sa seigneurie de Bassompierre dont il augmenta l’étendue par l’achat de villages voisins. En outre, depuis plusieurs décennies, il résidait à Haroué, la famille éponyme s’étant éteinte au XVe siècle et le château qui existait alors était passé à Jean de Bassompierre, gendre de Catherine de Haroué. Cette résidence de Haroué avait les faveurs de Christophe de Bassompierre et il entreprit la reconstruction du château après 1575. Dom Calmet qui l’a encore connu l’évoque en ces termes : « Il est le plus beau de la province, étant enrichi de statues et de colonnes [12].

 

LA VIE ET LA CARRIÈRE DE FRANÇOIS DE BASSOMPIERRE

C’est à Haroué que naquit le 12 avril 1579, à quatre heures du matin, François qui allait devenir le Maréchal de Bassompierre. C’était le dimanche de Pâques fleuries, autrement dit les Rameaux. Le mardi suivant, le duc de Lorraine en personne assista au baptême du nouveau-né dont la marraine fut Diane de Dammartin [13].

La mère de l’enfant qui avait épousé Christophe de Bassompierre le 15 octobre 1572 se nommait Louise Picart de Radeval. Nièce du maréchal de Brissac, elle appartenait à une riche famille de Normandie qui portait « de gueules à trois fers d’épieux (ou piques) d’argent » [14]. François était le troisième enfant du couple qui eut trois garçons et trois filles [15].

Le jeune garçon passa les premières années de sa vie dans son village natal. Nous n’en savons malheureusement que fort peu de chose et ses Mémoires qu’il a intitulés Histoire de ma vie ne commencent qu’en 1584 « quy est le plus loing d’où il se puisse souvenir ». Nous devons donc l’imaginer tel les autres enfants de la noblesse du temps et nous savons qu’il bénéficia des services d’un précepteur Nicolas Cirée, prêtre normand qui lui enseigna les rudiments de la lecture et de l’écriture.

En 1587, année funeste pour la Lorraine, François a huit ans. Les Bassompierre doivent se réfugier à Nancy à cause du passage des reîtres [16]. Le bourg de Haroué est incendié au cours de l’automne. L’année suivante, l’enfant reprend ses études avec son frère Jean et tous deux accueillent un nouveau précepteur. Bientôt, deux autres, plus jeunes, se joignent à lui pour leur « apprendre à bien escrire et l’autre a danser, jouer du luth et la musique ».

En 1591, les deux frères s’inscrivent à l’université de Fribourg-en-Brisgau pour y suivre des cours correspondant à peu près à notre troisième mais ils doivent fuir la ville au bout de cinq mois car, à l’occasion d’une querelle, leur précepteur Gravet avait tué La Motte, leur maître à danser. Ils regagnent donc Haroué d’où ils se rendent à Pont-à-Mousson. Ils étudient alors pendant deux ans à l’université puis, en 1595, ils partent pour Ingolstadt sur le Danube qui était alors la plus célèbre université des Jésuites.

Dans ses Mémoires, Bassompierre écrit : « Nous y continuâmes peu de temps la rhétorique, puis allâmes à la logique que nous fismes compendieuse (abrégée) en trois mois, et de là passâmes en la physique, estudians quand et quand en la sphère » [17]. Le jeune François se passionnait pour ce qu’on lui enseignait et son gouverneur, nommé Georges de Springesfeld, « estoit contraint de l’en retirer pour le divertir » [18]. En 1596, les enfants doivent revenir en Lorraine et ils assistent aux funérailles de leur père décédé le 22 avril. Mineur, François reçoit un tuteur qui ne fut rien moins que Pierre-Ernest de Mansfeld, le fameux gouverneur du duché de Luxembourg, alors possession espagnole [19].

Afin de compléter leur formation, les deux adolescents, accompagnés des sieurs de Mallaville, de Springesfeld et de M. d’Arandel, partent pour l’Italie. Les voyageurs traversent l’Allemagne puis visitent Trente, Vérone, Mantoue, Bologne, Florence. Là, ils sont fort bien reçus puisque le grand-duc de Toscane avait épousé Christine de Lorraine. On les voit ensuite à Sienne, Viterbe, Rome et Naples. Au cours du voyage de retour, les jeunes Lorrains s’arrêtent à Pise, Livourne, Notre-Dame-de-Lorette, Padoue, Venise, Gênes et Milan. Ils avaient donc visité les plus intéressantes villes italiennes.

En octobre 1598, toute la famille des Bassompierre, mère, frères et sœurs, part pour Paris où elle arrive le 12. La mère de François, une Française, aurait voulu voir son fils entrer au service du roi de France alors que Mansfeld penchait plutôt pour l’Espagne. Le jeune homme est reçu dans les cercles proches du roi et se fait remarquer en dansant un ballet à Monceaux afin de divertir Henri IV malade. Peu après, il est présenté au souverain qui avait bien connu son père.

Bassompierre avait promis de se rendre en Espagne mais, en mars 1599, au cours d’une nouvelle entrevue avec le roi de France, ce dernier s’enquiert des intentions du Lorrain qui est conquis par la personnalité du souverain lequel est pourtant de vingt-six ans son aîné. Il déclare que si le roi le désire, il est prêt à le servir jusqu’à la mort. Henri IV accepte et, à cette occasion, Bassompierre écrit :

« Alors il m’embrassa et m’asseura que je n ‘eusse sceu trouver un meilleur maître que luy, quy m’affectionnât plus, ny quy contribuat plus à ma bonne fortune et a mon avancement. Ce fut un mardy ... me de mars que je me compte depuis ce temps là françois, et puis dire que depuis ce temps là j’ày trouvé en luy tant de bonté, de familiarité, et de tesmoygnages de bonne volonté, que sa mémoire sera, le reste de mes jours, profondément gravée dans mon cœur » [20].

Entré au service du roi de France, Bassompierre devient tout d’abord le chevalier servant de Gabrielle d’Estrées, maîtresse de Henri IV mais celle-ci meurt peu après, ayant accouché d’un enfant mort. Le Lorrain est alors officier dans l’armée royale et, en tant que tel, il prend part à différentes campagnes militaires. On le voit en Savoie en 1600 où il fait preuve de beaucoup de courage puis au siège d’Ostende en 1601.

Deux ans plus tard, en 1603, Henri IV se rend en Lorraine et séjourne une huitaine de jours à Nancy. Bassompierre est évidemment de ce voyage qui lui permet de retrouver plusieurs membres de sa famille qu’il a perdus de vue, en particulier sa parenté allemande. On le presse alors de quitter le service du roi et, comme il l’a écrit, « de se jetter dans les guerres de Hongrie ». En effet, pour un jeune homme fougueux c’était la meilleure façon de s’affirmer, de se distinguer et surtout, pour un militaire, de se couvrir de gloire. L’Autriche est alors constamment menacée par les Turcs et les guerres qui se succèdent en Hongrie sont en quelque sorte le prolongement de l’épopée des Croisades. Bassompierre se laisse fléchir. Le 9 septembre 1603, il est à Vienne d’où il va prendre part à la lutte contre le Turc dans les régiments impériaux qui remportent une brillante victoire. Les troupes sont alors commandées par Christophe-Hermann de Rosswurm, maréchal de camp de l’armée de l’empereur, lequel avait servi sous le père de Bassompierre. Ce Rosswurm était au demeurant un personnage assez peu recommandable qui a fini fort mal [21].

Tout d’abord, les rapports du Lorrain et de Rosswurm furent assez froids mais, après la conduite héroïque du jeune Bassompierre au cours de la bataille, ils devinrent amis. Peu après, Bassompierre suivit Rosswurm à Prague où il participa à des équipées bien peu reluisantes qu’il n’a évoquées que brièvement. Un jour, Rosswurm avait réussi à faire boire un habitant de la ville, père de deux jeunes et jolies filles. Il leur avait promis de les leur livrer contre paiement d’une somme de 200 ducats. Les deux acolytes vont au rendez-vous mais laissons parler Bassompierre : « Moi, qui pensois estre venu a une affaire ou toutes les parties estoint d’accord, fus bien estonné lorsque je vis qu’il nous falloit forcer des filles, et en la présence de leur père » [22]. Contre toute attente, les filles se défendent, le père dessaoulé, se met à crier au meurtre et les deux hommes doivent prendre la fuite, échappant de justesse à la fureur de la foule attirée devant la maison par les cris.

Au printemps 1604, Bassompierre est de retour en Lorraine après être passé par Saverne où il avait participé à une beuverie avec des chanoines [23]. En août suivant, il revient à Paris où il tombe amoureux de Marie de Balzac d’Entragues.

Dans la capitale, il mène la vie qui est alors celle de tout officier. Il court les femmes, participe à des tournois et à des joutes violentes de sorte qu’en mars 1605 il est blessé au cours d’un tel tournois qui s’était déroulé au Louvre. Sa blessure était très grave, « les boyaux sortaient de mon ventre », écrit-il. Ceux qui le soignaient remirent tout en place étant persuadés pourtant que la fin était proche. Bassompierre devait avoir une solide constitution car, alors que tout le monde se lamentait autour de lui, « il ne faisoit que rire ». Il réussit à se tirer de ce mauvais pas et raconte : « Aussy n’eus je depuis aucun accident ny mal, sinon quand on me faisoit rire avec excès » [24]. Cependant, au cours de l’été 1606, il lui fallut se rendre aux eaux de Plombières pour y soigner les conséquences de sa blessure, ce qui ne l’empêcha pas de passer de bons moments avec une Bourguignonne, Madame de Fuissé.

Au cours de la même année, il suit le roi dans plusieurs de ses déplacements, en particulier à Sedan puis il est envoyé en Lorraine comme ambassadeur extraordinaire. A ce titre, il assiste au mariage de Henri II avec Marguerite de Gonzague, seconde épouse du futur duc. Sa bonne connaissance du pays engage le roi à le renvoyer à Nancy en 1608 afin d’y assister aux funérailles du duc et c’est ainsi que Bassompierre prend part à la fameuse Pompe funèbre de Charles III.

Il retourne encore en Lorraine en 1609 mais cette fois pour une mission bien plus délicate. De son second mariage avec Marguerite de Gonzague, le duc Henri II n’avait pas eu de fils mais il en eut deux filles, Nicole et Claude. La première était appelée à hériter des duchés de Lorraine et de Bar et Henri IV avait vu là une possibilité de réunir en douceur la Lorraine à la France. Nicole, âgée tout juste d’un an, aurait épousé le dauphin, futur Louis XIII, âgé de huit ans. La Lorraine aurait alors perdu son indépendance si bien que Henri II ne répondit ni oui, ni non d’autant que, peu après le début de la négociation, Philippe III d’Espagne lui proposa l’un de ses fils pour mari de la même Nicole. Le duc se trouvait pris entre deux puissances rivales et on imagine combien il a dû se sentir soulagé après la disparition tragique du roi de France en 1610.

A la fin de 1608, il avait été question d’un projet de mariage entre Bassompierre et la fille du connétable de Montmorency, Charlotte. Le vieux connétable y était très favorable : « Je serai heureux le reste de mesjours sy je vous vois tous deux contents et heureux ensemble », aurait-il déclaré à Bassompierre [25]. Le mariage paraissait imminent mais il n’eut pas lieu car Henri IV était lui aussi tombé amoureux de la belle demoiselle de Montmorency. Pour ne pas se brouiller avec le souverain, Bassompierre accepta de renoncer à son projet, ce à la suite d’une entrevue avec Henri IV qui lui aurait déclaré : « Bassompierre, je te veux parler en ami. Si tu l’épouses et qu’elle t’aime, je te haïrai ; si elle m’aime, tu me haïras ; il vaut mieux que cela ne soit point cause de rompre notre bonne intelligence, car je t’aime d’affection » [26]. Bassompierre ne put qu’accepter la proposition du souverain et il raconte : « Alors le roy m’embrassa et pleura, m’asseurant qu’il feroit pour ma fortune comme s’y j’estois un de ses enfants naturels » [27]. Peu de temps après, Henri IV imposa le prince de Condé [28] comme mari à Charlotte-Marguerite de Montmorency [29] et nous pourrions ajouter l’explication de la rupture rapportée par Levassor : « Henri rompit l’affaire fort avancée. Bassompierre lui paraissait trop propre à se faire aimer de sa femme. Le prince de Condé devait être un mari moins incommode à un amant. En lui donnant de quoi se bien divertir à la chasse, on se flattoit de trouver le temps et le moyen de tromper un époux moins clairvoyant et moins jaloux que l’autre ne l’auroit été » [30]. Pourtant le prince de Condé refusa d’entrer dans le jeu du roi. Pour le rendre plus complaisant, le souverain alla jusqu’à lui supprimer ses pensions, si bien que Condé se retira avec sa femme dans les Pays-Bas espagnols [31].

L’année 1610 fut celle de l’assassinat de Henri IV. Bassompierre ressentit cette disparition comme un drame car il s’entendait le mieux du monde avec le Béarnais. Louis XIII était encore bien jeune et la période de la régence qui s’ouvrait ne s’annonçait pas facile. Le Lorrain demeura cependant fidèle à la France et à la régente Marie de Médicis si bien que celle-ci le fit nommer colonel-général des Suisses en 1614. Bassompierre fit alors partie du cercle des intimes de la reine et pouvait y exercer l’une de ses passions, le jeu de cartes, en compagnie de plusieurs autres courtisans parmi lesquels Concini.

Bassompierre est alors souvent mêlé aux intrigues qui agitent la cour mais il s’efforce de ne pas se compromettre. C’est alors Concini, le Maréchal d’Ancre, qui tire les ficelles et cet Italien intrigant se méfie tout particulièrement du Lorrain, étant jaloux de son influence sur la reine. Concini s’efforce même de perdre Bassompierre auprès de Marie de Médicis si bien que celui-ci songe un moment à quitter la cour mais il retrouve bien vite la faveur de la régente. Celle-ci l’utilise pour les missions les plus délicates et, en 1612, c’est lui qui reçoit trois seigneurs arrivés à Paris afin de négocier le mariage du jeune Louis XIII avec Anne d’Autriche, infante d’Espagne et celui du futur Philippe IV d’Espagne avec Élisabeth de France, fille aînée de Henri IV. Ces tractations sont l’occasion de fêtes somptueuses couronnées par le célèbre et grandiose carrousel de la Place Royale organisé pour les fiançailles du jeune roi. Bien que ce soit en pleine période de carême, Bassompierre y participe activement. Ce fut un carrousel exceptionnel dont on parla longtemps.

Malheureusement, le mariage du roi avec une Espagnole avait inquiété les protestants. Condé et les huguenots prirent donc les armes contre la régente et Bassompierre commença alors une longue lutte contre les révoltés. Jusqu’au règne personnel de Louis XIII, la France va connaître une confusion extrême et, pour le Lorrain, c’est sans doute l’une des périodes les plus actives de sa vie. Devenu grand maître de l’artillerie, Bassompierre participe alors à toutes les campagnes contre les multiples foyers de révolte. En 1617, on le trouve au siège de Château-Porcien et, le 14 avril, il est blessé au siège de Rethel alors qu’il installait une batterie. Il est alors touché « d’une mousquetade dans le petit ventre, du côté droit » [32]. Une nouvelle fois, on craint pour sa vie mais sa blessure, quoique sérieuse, guérit en un mois.

Concini étant mort assassiné, Bassompierre est très en faveur auprès du nouveau roi qui le fait nommer Chevalier de l’Ordre du Saint-Esprit en 1619. Cependant, il a un rival en la personne d’Albert de Luynes qui jalouse le Lorrain. En effet, Bassompierre a des qualités militaires incontestables alors que celles de Luynes sont quasi nulles. En 1620, Bassompierre est maréchal de camp et on le voit lutter contre les partis de la reine mère alors en disgrâce. Ses partisans sont dispersés sur la Loire, aux Ponts-de-Cé, près d’Angers.

Luynes est de plus en plus inquiet de l’ascension du Lorrain. Il réussit à le faire envoyer en Espagne en 1620 afin de régler l’affaire compliquée de la Valteline [33]. Bassompierre s’en sort remarquablement et confirme alors d’admirables capacités de diplomate [34].

De retour en France, Bassompierre reprend la lutte contre les ennemis de l’intérieur. Les campagnes se succèdent : siège de Saint-Jean-d’Angély, siège de Montauban où Bassompierre se distingue une nouvelle fois et où il est blessé à la tête. Au cours de l’année 1622, il reçoit du roi la charge de premier maréchal de camp et participe à plusieurs campagnes contre les huguenots, à l’île de Ré, au siège de Royan, à Nègrepelisse et à Saint-Antonin.

C’est au moment du siège de Montpellier, le 12 octobre 1622, qu’il reçoit du roi la consécration suprême : le bâton de maréchal de France. Il est alors un personnage puissant qui jouit de la faveur du souverain et qui est même devenu son homme de confiance puisque Albert de Luynes est mort en 1621.

C’est sans doute à cette occasion que Claude de Malleville, son secrétaire, a écrit : « Son nom porte à la gloire et qui dit Bassompierre dit le plus haut mérite où l’on puisse monter ».

En 1625, Bassompierre est envoyé en Suisse comme ambassadeur extraordinaire et il y séjourne jusqu’en 1626. Il réussit très habilement à y contrebalancer les influences allemandes et espagnoles. La même année, dès son retour, il part pour l’Angleterre afin de régler les affaires de Henriette-Marie, sœur de Louis XIII, devenue reine d’Angleterre. Par son arrogance, son entourage avait provoqué la colère des Anglais « antipapistes ». Bassompierre réussit à rapprocher le roi de la reine mais cette mission ne fut en réalité qu’un demi-succès [35].

Dans les années 1627-1628, le maréchal prend part au grand événement du règne : le siège de La Rochelle. Il est alors autorisé à se constituer sa propre armée et participe aux négociations qui vont entraîner la capitulation des Rochelais. En 1629, il se distingue à la bataille du Pas de Suse dans le Piémont et au siège de Privas, « l’un des derniers îlots de résistance des protestants du Midi ». Sa dernière campagne militaire a lieu en 1630 et c’est la conquête de la Savoie. Peu après, il effectue une ultime mission diplomatique en Suisse où il est fort bien accueilli. En effet, on le connaît et on l’apprécie depuis 1625.

Au début de 1630, Bassompierre a passé la cinquantaine. Il achète une maison au village de Chaillot alors détaché de Paris. De cette maison, il va faire une demeure de grand luxe dans laquelle il compte se retirer au moment de sa retraite mais c’était là compter sans la méfiance de Richelieu à son égard. Alors que Bassompierre négociait pour le roi, le cardinal avait réussi à conquérir la première place auprès de Louis XIII et il tenait absolument à l’occuper seul. Le Lorrain lui paraissait un rival dangereux qu’il fallait abattre.

BASSOMPIERRE À LA BASTILLE

Après la fameuse « Journée des dupes » qui avait vu Richelieu à deux doigts de perdre le pouvoir, Bassompierre fut arrêté le 25 février 1631, puis envoyé à la Bastille. Les raisons de cet emprisonnement sont loin d’être claires. Lui-même écrit qu’il fut incarcéré à cause de sa manière de penser et d’agir. Il est incontestable que le cardinal se méfiait tout particulièrement du Lorrain, habile courtisan, il le redoutait même très certainement, d’autant plus qu’il commençait à éprouver de sérieuses difficultés avec le duc de Lorraine, Charles IV [36]. Il est vrai que Bassompierre avait imprudemment encouragé les projets de mariage de Gaston d’Orléans, frère du roi, avec Marguerite de Vaudémont, la jeune sœur du duc, bien que cette union fût considérée comme contraire aux intérêts du royaume.

Le lendemain de son arrestation, à la Bastille, Bassompierre avait reçu la visite de M. du Tremblay, gouverneur de la forteresse, frère du père Joseph, l’éminence grise de Richelieu. Le maréchal s’attendait alors à une libération rapide et il écrit : « Il me dit de la part du roy qu’il ne m’avoit point fait arrester pour aucune faute que j’aye faitte, et qu’il me tenoit son bon serviteur, mais de peur que l’on ne me portat à mal faire ; et que je n’y demeurerois pas longtemps, dont j’eus beaucoup de consolation. Il me dit de plus que le roy lui avoit commandé de me laisser toute liberté hormis celle de sortir, que je pouvois prendre avec moy tels de mes gens que je voudrois, parler à quy je voudrois, et me promener par toute la Bastille » [37].

Le maréchal supporte fort mal les premiers temps de sa captivité et refuse de sortir de sa chambre. Sa santé s’altère et il commence à devenir hydropique. Les choses s’arrangent cependant dès qu’il accepte de prendre l’air mais les semaines passent et il ne sort pas. Les contemporains s’étonnent et un témoin rapporte : « Chacun plaignit la disgrâce d’un officier de la Couronne dont la valeur, la générosité et les autres vertus étoient également estimées. On ne trouve rien à lui reprocher. La crainte qu’on eût d’un Seigneur capable de grandes choses lui fut seulement préjudiciable. Il aimoit particulièrement la princesse de Conti, et le monde s’imagina que le Roi appréhendoit qu’elle n’entraînat le Maréchal dans les factions qu’elle fut soupçonnée de former » [38]. Cependant chacun s’accordait à penser que la captivité du maréchal serait courte mais, malgré toutes les belles promesses, Bassompierre séjourna douze ans à la Bastille. L’ordre de le libérer fut ne en effet donné que le 18 janvier1643, le prisonnier avait alors 64 ans !

Au cours de ce long emprisonnement, une prison dorée mais une prison quand même, Bassompierre ne sera que le spectateur, très attentif cependant, de la tourmente qui s’est abattue sur toute l’Europe. C’est alors la guerre de Trente Ans dans sa plus grande extension. La Lorraine est occupée par les Français et le pays natal de Bassompierre est rapidement ruiné [39]. On imagine sans peine l’impatience de Bassompierre, maréchal de France, mais jamais il ne put sortir de la Bastille, même au plus fort de la menace espagnole, en particulier au cours de l’année 1636 restée dans toutes les mémoires comme l’année de Corbie qui avait vu l’ennemi menacer dangereusement Paris. Bassompierre avait alors offert ses services au roi, mais en vain.

Tant que le cardinal fut en vie, tous ses espoirs de libération s’envolèrent les uns après les autres. Il y en avait eu cependant de sérieux tel celui de 1633, soit deux ans après son arrestation : « Au commencement de l’année 1633, j’eus une grande espérance de liberté. M. de Schomberg [40] m’avoit fait dire qu’à ce retour du roy on me sortiroit de la Bastille, monsieur le cardinal l’ayant tesmoygné à plusieurs, et le roy s’en estant ouvert à quelques personnes, et tous mes amis s’en réjouissent avec moy, quand on fit servir le partement de Monsieur, frère du roy de prétexte pour ma détention  [41] et au mesme temps au lieu de me délivrer, on m’osta cette partie de mes appointements quy m’avoist esté payée les deux années précédentes, bien que je fusse prisonnier, quy montoit au tiers de ce que j’avois accoustumé de tirer par an. Cela me fit bien voir que l’on me vouloit éterniser à la Bastille ; aussy dès lors cesse je d’espérer qu’en Dieu » [42]. Bassompierre n’avait pas tort de s’en remettre à Dieu puisque le cardinal semblait s’amuser avec lui tel un chat avec une souris. Peu de temps après son arrestation, n’aurait-il pas déclaré : « Le maréchal s’ennuie-t-il déjà ? Il n’a pas encore passé trois ans à la Bastille » [43].

En 1635, on lui avait encore fait miroiter l’espoir d’une libération prochaine mais à condition de vendre sa charge de colonel-général des Suisses. On se mit d’accord sur une somme de 400 000 livres mais on voulait que le maréchal démissionnât avant d’être payé. Celui-ci s’y refusa, il voulait l’argent et il eut finalement gain de cause et démissionna. Pourtant, on ne le libéra pas et lui fallut donc s’accommoder de sa détention.

A la Bastille, il rencontra maints compagnons d’infortune, reçut de nombreux visiteurs parmi lesquels Mazarin. Le prisonnier s’occupa de la constitution de sa bibliothèque et commença à rédiger ses Mémoires qu’il intitula Journal de ma vie. Il y raconte son existence passée, ses exploits militaires mais note aussi au jour le jour les principaux événements qui lui sont rapportés. Malheureusement — et on comprend pourquoi — les commentaires sont rares.

Les Mémoires de Bassompierre s’arrêtent en 1640. Trois ans plus tard, en 1643, il est libéré mais doit gagner Tillières en Normandie où réside son beau-frère. Il n’est qu’à moitié satisfait puisque le roi lui interdit de paraître à la cour. Il écrit alors quelques vers sur sa libération dans lesquels il n’est pas tendre pour Armand Duplessis, cardinal de Richelieu, mort à la fin de 1642 :

« Enfin sur l’arrière-saison La Fortune d’Armand s’accorde avec la mienne,

France, je sors de ma prison

Quand son âme sort de la sienne » ... [44]

Pourtant, après la mort de Louis XIII, au moment de la régence d’Anne d’Autriche, il récupère sa charge de colonel-général des Suisses mais il ne se sent plus à l’aise à la cour où la façon de vivre et les mœurs ont changé. Le 12 octobre 1646, Bassompierre meurt à Provins, très probablement des suites d’une banale indigestion [45]. On l’inhuma aux minimes de Nigeon.

Bassompierre laissait une lourde succession : 1 500 000 livres de dettes et la liquidation de celle-ci dura jusqu’au début du XVIIIe siècle. Ce n’est que le 25 octobre 1719 que les héritiers de son frère, Georges-African, cédèrent tous leurs droits sur Haroué au prince de Beauvau [46].

LE CAPITAINE GALANT

Pour les gens du XVIIe siècle qui se sont fiés à ses Mémoires et à tout ce qui a pu être raconté par les contemporains, Bassompierre était un homme à femmes. Il est vrai qu’on n’est pas impunément le compagnon du Vert-Galant !

Tout au long de sa vie, Bassompierre a joui d’une santé et d’une résistance physique extraordinaires. Il a échappé à toutes les blessures graves qu’il a pu recevoir et ne fut que très rarement malade. Il disait « qu’il ne sçavoit encore où estoit son estomac ». Il y a certes là une part d’exagération mais Bassompierre fut incontestablement une force de la nature. Il aima la bonne chère, le vin et... les femmes.

Il aurait donc été cet aventurier friand de conquêtes féminines. On pourrait le penser et il semble qu’il a lui-même contribué à créer cette légende. En effet, il raconte qu’avant d’être envoyé à la Bastille, par précaution, il brûla des milliers de lettres d’amour reçues autrefois : « Le lendemain, lundi 24e jour de février je me levay devant le jour et bruslay plus de six milles lettres d’amour que j’avois autrefois receues de diverses femmes, apprehendant que, sy l’on me prenoit prisonnier, on me vint chercher dans ma maison, et que l’on n’y trouvât quelque chose quy peut nuire, estans les seuls papiers que j’avois, quy eussent peu préjudicier à quelqu’un » [47].

A la lecture de semblables confidences, on peut penser que les aventures galantes de Bassompierre ont été nombreuses. En effet, chez le maréchal, les amourettes sans lendemain ont été monnaie courante et il ne leur accordait que bien peu d’importance. Il ne les évoque que rarement ou brièvement dans ses Mémoires. D’après les témoignages du temps, nous savons qu’il avait constitué avec deux amis un trio redouté alors de tous les maris et, d’ailleurs, on les appelait « les dangereux » [48].

Il est incontestable que sa mise particulièrement soignée et sa belle allure ne laissaient pas indifférentes les personnes du sexe comme l’on disait alors. La fameuse courtisane Marion Delorme, parlant des hommes de la cour, pensait que « M. de Bassompierre est le plus beau et le plus divertissant » [49]. Au baptême du dauphin, Bassompierre s’était fait remarquer portant « un habit de toile violette avec des palmes qui s’entrelaçaient et brodé de perles ». Cet habit lui avait coûté la bagatelle de 14 000 écus. Bassompierre plaisait alors à toute la cour et même en dehors de celle-ci si bien qu’on alla jusqu’à appeler des Bassompierre « ceux qui se faisoient remarquer par leur bonne mine et leur propreté » [50]. Pourtant, si nous en croyons Tallement des Réaux qui est souvent mauvaise langue, le maréchal ne s’est jamais distingué par ses qualités de danseur et ne pas savoir danser pouvait en effet apparaître alors comme une tare dans cette société friande de divertissements en tous genres et surtout de bals. Le même auteur nous rapporte encore que, pour un militaire, il ne montait pas trop bien à cheval et « qu’il avoit quelque chose de grossier [51] ». Pourtant, Tallement se contredit quelque peu puisqu’il écrit aussi : « Il seroit à souhaiter qu’il y eust toujours à la cour quelqu’un comme luy : il en faisoit l’honneur, il recevoit et divertissoit les étrangers » [52].

A la sortie de la Bastille, Bassompierre fut incapable de s’adapter à la nouvelle société. Son comportement apparaissait désuet mais Madame de Motteville n’en disait pas moins de lui : « Les restes du maréchal de Bassompierre valaient mieux que la jeunesse de quelques-uns des plus polis de ce temps-là » [53]. De toute façon, Bassompierre plaisait ainsi qu’en témoigne une aventure arrivée en 1606. Il avait alors été poursuivi par les assiduités d’une femme dont il ne donne pas le nom et qu’il ne connut, au sens biblique du terme, qu’une seule fois. Celle-ci aurait alors déclaré : « Je n’ay jamais connu que mon mary et vous, ou que je meure misérable, et n’ay pas dessein d’en connestre d’autre : mais que ne feroit on point pour une personne que l’on ayme, et pour un Bassompierre ? » [54].

Bassompierre ne s’est jamais marié mais, parmi ses nombreuses liaisons, on lui en connaît deux qui furent à la fois durables et fécondes. La seule fois qu’il avait été disposé à convoler, ce fut avec la fille du connétable de Montmorency mais le mariage n’eut pas lieu.

Parmi ses maîtresses, il y eut tout d’abord Marie-Charlotte de Balzac d’Entragues dont il eut un fils, Louis, né en 1610, lequel devint évêque de Saintes et mourut en 1676 [55]. Marie-Charlotte était la sœur de Henriette d’Entragues qui fut l’une des favorites de Henri IV. Bassompierre avait fait sa connaissance au cours d’un séjour à Malesherbes. Il tenta assez vite de rompre avec elle mais il lui avait, imprudemment, signé une promesse de mariage. Sa maîtresse avait même fait publier les bans à Saint-Germain l’Auxerrois, le 3 avril 1615. Le maréchal voulut bien reconnaître l’enfant qu’il avait eu d’elle mais refusa de l’épouser. Dans un arrêt du 4 septembre 1615, le parlement de Rouen se montra favorable à Bassompierre lequel ne se maria donc pas tout en acceptant de subvenir aux besoins de son enfant.

Plus durable et moins agitée semble avoir été sa liaison avec Louise-Marguerite de Lorraine, veuve du prince de Conti [56]. Bassompierre la désigne toujours sous le nom de princesse de Conti et, selon certains témoignages très sujets à caution, ils auraient été mariés secrètement. Cette maîtresse lui donna deux enfants : une fille, Louise née en 1615 qui devint religieuse et mourut en 1652 [57], puis un fils, François, dit de la Tour de Roquelaure [58].

La princesse de Conti mourut de chagrin à la suite de l’arrestation de son amant en avril 1631. Bassompierre apprit son décès à la Bastille et il écrit : « Je sceus la mort de madame la princesse de Conty, dont j’eus l’affliction que méritoit cette princesse quy, outre tant d’autres perfections quy l’ont rendu aimable, avoit celle d’estre bonne amie et très obligeante : j’honorerai sa mémoire et la regretteray le reste de mes jours. Elle fut tellement outrée de douleur de se voir séparée de la reine-mère avec quy elle avoit demeuré depuis qu’elle vint en France, sy affligée de voir sa maison persécutée, et ses amis et serviteurs, en disgrâce, qu’elle n’y voulut, ny sceut pas survivre, et mourut a Eu, un lundi dernier jour d’avril de cette malheureuse année 1631 » [59]. A la lecture de ces quelques lignes, nous ne pouvons que respecter la pudeur et la discrétion du maréchal sur cette longue liaison. Nous en lui connaissons encore pourtant une autre qu’il avait eue au cours de son séjour à la Bastille avec Marie d’Estournel, dame de Gravelle, détenue comme lui mais il en parle peu et elle ne semble pas avoir beaucoup compté dans sa vie bien qu’elle ait égayé son existence monotone de prisonnier.

LA RELIGION DE BASSOMPIERRE

De par sa naissance, Bassompierre appartenait à une famille catholique. Son père a joué un rôle très actif dans la Ligue ; il a vécu à une époque marquée par d’incessants conflits religieux. Tout dans l’éducation de François de Bassompierre a contribué à faire de lui un bon catholique mais on est assez étonné de constater que sa foi ne transparaît que rarement dans ses Mémoires et nous pourrions penser que, comme pour la plupart des hommes de son temps, croire allait de soi et qu’on n’en parlait pas. Or, Bassompierre a plutôt mené une vie de libertin et les scrupules d’ordre religieux ne devaient guère peser sur sa conscience. Grand seigneur et courtisan, il pouvait se permettre bien des choses. D’ailleurs, plusieurs de ses contemporains qui l’ont bien connu le considéraient comme athée [60].

Bassompierre a pourtant eu un aumônier personnel qui aurait bénéficié d’une pension de 100 écus [61]. Ce fut un abbé italien très cultivé, Jules-César Vanini, dit Lucilio [62]. Ce prêtre était un personnage curieux qui avait conçu une philosophie matérialiste et athée et il semble avoir eu une certaine influence sur le maréchal qui se mit à lire des ouvrages hermétiques.

En 1616, Vanini lui dédia son grand ouvrage De admirandis naturae reginae deaeque mortalium arcanis,

libri IV [63], livre qui avait échappé à la censure d’avant publication mais il fut condamné par la Sorbonne pour hérésie dès parution. Son auteur eut dès lors beaucoup d’ennuis et Bassompierre qui aurait peut-être pu le défendre se garda bien d’intervenir en sa faveur [64].

BASSOMPIERRE ET LA LORRAINE

Bien que François de Bassompierre eût passé sa vie au service des rois de France Henri IV et Louis XIII, il est demeuré Lorrain de cœur et n’a jamais oublié son pays d’origine où il revenait régulièrement pour visiter sa famille ou régler ses affaires quand ce n’était pas comme envoyé extraordinaire du souverain français.

Le maréchal avait évidemment hérité de tous les titres seigneuriaux de son père lequel avait été chevalier et baron de Bassompierre, Haroué, Ormes, Removille et Baudricourt. De plus, le 23 juillet 1623, le duc Henri II avait érigé le comté de Haroué en marquisat en faveur de Bassompierre.

Jusqu’à l’avènement de Charles IV, les relations entre la France et la Lorraine avaient été généralement bonnes. Les ducs Charles III et Henri II s’y étaient tout particulièrement attachés. Tant que cela dura, la « double nationalité » du maréchal ne posa guère de problèmes mais, avec l’arrivée au pouvoir de Richelieu et la politique souvent incohérente de Charles IV, la situation de Bassompierre apparut de plus en plus critique et on peut se demander avec intérêt quelle attitude il aurait adoptée après l’occupation de la Lorraine par la France s’il n’avait pas été arrêté préventivement par le cardinal. Richelieu, méfiant, avait en effet préféré prendre les devants de sorte que Bassompierre n’a pu qu’assister, impuissant et de loin, à la ruine de son pays et de ses biens.

Cette dévastation de la Lorraine par plusieurs armées européennes est constamment présente dans ses Mémoires à partir des années 1635, de sorte que ceux-ci demeurent aujourd’hui encore une source de premier ordre pour celui qui veut étudier les ravages de la guerre de Trente Ans dans la région de Haroué.

En 1635, Bassompierre apprend la reprise de Haroué par les troupes lorraines : « Ma maison de Harouel fut prise par les troupes de M. de Lorraine, commandées par un nommé Du Parc, quy y mit garnison, ayant precedemment bruslé Crantenoy, un de mes villages proche de la dite maison, et pris les chevaux et le bétail de quinze autres villages de la mesme terre, faisant payer les contributions à mes sujets et enlevant les bleds qu’il fait porter à Rambervillers ou le duc est campé. Ainsy sans aucune résistance ses troupes font contribuer jusques a une lieue de Nancy » [65]. En décembre de la même année, le marquis de Sourdis reprend Haroué pour le compte de la France et les prises et les reprises vont se succéder. L’année suivante, c’est le duc Bernard de Saxe-Weimar à la tête de ses Suédois qui pille Haroué : « Ce qu’il fit sy bien executer que toutes les pilleries, cruautés et inhumanités y furent exercées, et ma terre entièrement destruitte au chasteau près, quy ne peut estre pris par cette armée quy n’avoit point de canon » [66].

Peu après, dans le cadre du programme de destruction systématique des châteaux lorrains ordonnée par Richelieu, le maréchal rapporte que la maison de Bassompierre avait été rasée le vendredi 6 juillet 1636 [67]. Haroué devait subir le même sort. En effet, en février précédent, le maréchal avait appris que le sieur de Villarseaux, « intendant de justice et des finances des Trois-Évêchés », avait reçu commission du roi pour raser Haroué. Il intervint alors auprès du cardinal qui n’avait guère de reconnaissance pour celui qui avait été un grand serviteur du royaume. Fort heureusement, Haroué échappa de justesse à la destruction mais, en mai 1636, 1 500 réseaux de blé y furent enlevés par les Français et c’est en vain que Bassompierre protesta auprès de Richelieu. Celui-ci répliqua que le maréchal n’avait pas à se plaindre, qu’il était riche et qu’il s’était fait construire une belle maison à Chaillot et que le train de vie qu’il menait à la Bastille n’était pas celui d’un prisonnier.

Les années se succèdent, apportant régulièrement au captif des nouvelles de plus en plus déplaisantes et alarmantes sur ce qui se passe en Lorraine : 1637 : « On me manda de Lorraine, la continuation de la désolation de mon bien, la retraitte de presque tous les habitans de la terre de Harouel dans le bourg et dans la mayson, lesquels la remplissoient de maladies et d’infections » [68].

1638 : « J’eus nouvelle que mes sujets de Harouel et de tout ce marquisat abandonnoient les villages, leur estant impossible de subsister, ayant les trouppes du duc Charles quy tenoint le chasteau, et celles du roy quy a cette occasion les traittoint comme ennemis, et de telle sorte que le samedy 30 de ce mois le sieur de Bellefonds mareschal de camp vint la nuit surprendre le bourg mesme de Harouel et le pilla entièrement » [69].

Au cours de l’année 1639, Du Hallier assiégea Haroué, le comte et la comtesse de Tornielle qui y résidaient acceptèrent de composer et le château reçut alors une garnison de 30 soldats français.

Pendant sa détention, le maréchal eut aussi de nombreux déboires avec son neveu, Anne-François de Bassompierre, seigneur de Dammartin, qui combattait contre la France dans les rangs lorrains. Il avait été fait prisonnier par les Français en 1634 mais libéré peu après. En 1635, il fut fait sergent major général de l’armée de l’empereur. Pris une nouvelle fois, il avait alors donné sa parole qu’il ne reprendrait plus les armes contre le roi mais il revint sur ses engagements au grand déplaisir du maréchal ainsi que nous le lisons dans ses Mémoires : « Non content de s’estre retiré vers le duc Charles contre la parole que j’avois donnée pour luy, ayant fait pour le dit duc une telle quelle compagnie de chevau-légers demanda audit duc pour son quartier d’hiver le marquisat de Harouel quy est a moy et l’abbaye de Belchamp quy en est proche, et s’y en vint loger avec beaucoup de désordre » [70]. On peut imaginer sans peine l’affliction de Bassompierre, son neveu étant en train d’achever de désoler la région de Haroué qui appartenait pourtant à la famille !

Rarement cependant, le maréchal nous dévoile ses véritables sentiments sur la mise à sac de la Lorraine et de ses biens. Nous trouvons cependant dans ses Mémoires un bref jugement sur Charles IV, son action et ses troupes, ce à propos des événements de l’année 1636 : « Il se passe peu de mois qu’il ne m’arrive outre mon malheur ordinaire, quelque nouvelle disgrâce : celuy-cy [septembre 1636] m’en donna une bien amère, quy fut que le duc Charles dont mes prédécesseurs avoint rendu tant de signalés services aux siens et que j’avois soigné tant qu’il étoit en France jeune garson comme s’y j’eusse esté son gouverneur... envoya le lundi 5 de ce mois le colonel Cliquot avec trois régiments d’infanterie, trois de cavalerie et deux pièces de canon, prendre ma maison de Harouel, quy ne faisoit point la guerre, et quy n’estoit point importante a ses affaires, affin que par ce moyen ce quy restoit de ce marquisat fut entièrement pillé et déserté » [71].

L’HOMME DE LETTRES ET LE MÉMORIALISTE

Le maréchal de Bassompierre a été incontestablement un homme cultivé comme bon nombre de nobles de son époque. Il avait fait de solides études et suivi les cours de plusieurs universités européennes, parmi les meilleures : Fribourg, Pont-à-Mousson, Ingolstadt. Il connaissait le latin et parlait quatre langues : l’italien, l’espagnol, l’allemand et évidemment le français. Cette connaissance des langues étrangères lui rendit bien des services au cours de ses nombreuses ambassades.

Toute sa vie durant, il a beaucoup lu et, à sa mort, il possédait l’une des plus belles bibliothèques privées du temps [72]. Elle comptait plus de 4 000 volumes, tous reliés aux armes de leur propriétaire et on y trouvait toutes sortes de titres, y compris des ouvrages religieux et des livres d’astrologie. Les volumes traitant des sciences étaient cependant les plus nombreux et on a publié un inventaire imprimé de cette bibliothèque. Par ailleurs, plusieurs auteurs ont dédié leurs œuvres au maréchal, ce qui prouve sa notoriété.

De son côté, Bassompierre a beaucoup écrit. Il fut même poète à ses heures et a fréquenté le célèbre « Hôtel de Rambouillet » à ses débuts. Il a également été le protecteur de plusieurs écrivains mais ceux-ci sont aujourd’hui bien oubliés. Le maréchal est l’auteur de nombreuses harangues demeurées manuscrites et de mémoires sur différents sujets d’ordre militaire lesquels n’ont jamais été publiés : Histoire des régiments d’infanterie, Fonctions de l’intendant des finances aux armées, etc.

On attribue aussi communément à Bassompierre les Remarques sur les vies des roys Henri IV et Louis XIII de Dupleix. Les livres de Dupleix étaient parus dans les années 1632-1633 [73]. Ils déplurent aussitôt à Bassompierre qui n’aima ni leur style, ni les inexactitudes qu’ils contenaient. Il annota donc ses exemplaires en marge puis confia ses notes à un religieux, le père Renaud, lequel y ajouta ses propres remarques. Plus tard, le tout fut publié sous le nom de Bassompierre [74] mais avait déjà circulé sous forme de manuscrit.

Dans son livre, Dupleix s’était efforcé d’abaisser le rôle de Marie de Médicis que Bassompierre avait fidèlement servie. Il exaltait aussi l’habileté du cardinal dont il fait continuellement l’éloge. Les remarques rédigées par le maréchal exprimaient un jugement tout à fait à l’opposé de celui de Dupleix et ce que le Lorrain avait écrit fut rapporté à Richelieu, aux autres ministres et même au roi. Bassompierre en fut indigné et écrivit alors : « On lui insinue qu’il paraît manifestement que je hais et sa personne et l’État ». On comprend qu’une telle imprudence de la part du prisonnier n’ait pas contribué à le faire sortir de sa prison.

L’ouvrage le plus important de Bassompierre, ce sont ses Mémoires. Ils tiennent une place de choix parmi les ouvrages similaires qu’utilisent ceux qui étudient les règnes de Henri IV et de Louis XIII. Rappelons que ce livre a été rédigé par le maréchal alors qu’il séjournait à la Bastille mais toutes les éditions sont posthumes. L’ouvrage est fort bien écrit et Bussy-Rabutin qui n’était guère généreux avec ses contemporains n’en pensait que du bien : « Je n’ai point vu de mémoires plus agréables ni mieux écrits que ceux du maréchal de Bassompierre » [75].

La première édition en a été donnée en 1665 avec la fameuse mention « A Cologne, chez Pierre Marteau » que tous les amateurs de livres anciens connaissent bien. Elle a pour titre : « Mémoires du mareschal de Bassompierre contenant l’histoire de sa vie et ce qui s’est fait de plus remarquable à la cour de France pendant quelques années ». Plusieurs éditions se sont ensuite succédé jusqu’en 1723 mais la plupart de ces impressions anciennes ont été publiées à Cologne ou en Hollande et sont généralement de qualité très médiocre : mauvais papier, lettres écrasées mais de plus, ce qui est beaucoup plus grave, elles ne sont guère fidèles au manuscrit original. La meilleure édition moderne accompagnée d’abondantes et précieuses notes critiques en a été faite par le marquis de Chantérac pour le compte de la Société d’Histoire de France. Elle a été publiée en quatre volumes dans les années 1870-1877 et établie d’après les manuscrits autographes de l’auteur. C’est toujours l’édition de référence.

CONCLUSION

Le nom des Bassompierre n’est pas oublié en Lorraine. Il existe en Moselle une localité et une mine de fer voisine ainsi nommées. Le nom de notre maréchal a en outre été donné à des rues à Paris, Haroué et Nancy [76].

Grâce à une souscription lancée en 1897 par l’historien lorrain Emile Badel [77] et l’abbé Doyotte, curé de Haroué, son village natal lui avait élevé un beau buste en bronze qui a été enlevé par les Allemands pendant la dernière guerre. Il a été remplacé depuis par un buste plus modeste en pierre. A Versailles, Louis-Philippe a fait placer un portrait du maréchal dans la fameuse Galerie des Maréchaux.

A Haroué, on continue à vénérer l’enfant le plus illustre du pays et une plaque de marbre, fixée sur les communs de l’ancien château, nous rappelle que François de Bassompierre y naquit le 12 avril 1579 mais rares sont ceux qui visitent cette partie du château. Aujourd’hui, c’est évidemment l’édifice de Boffrand qui les retient. En 1979, le quatrième centenaire de la naissance du maréchal est passé quasi inaperçu sauf à Haroué où on le célébra comme il se doit en même temps que la Fête Nationale.

Désormais, les lampions sont éteints et sans doute pour longtemps puisque notre époque ne s’intéresse plus guère aux gloires militaires de l’Ancien Régime et je pourrais reprendre ici les quelques lignes de P.-M. Bondois, biographe du maréchal : « Ce Lorrain, malgré l’opinion d’admirateurs partiaux, ne fut pas un homme de génie, un héros chevaleresque ou même une intelligence et une valeur de premier ordre mais il incarna assez bien, et avec des originalités curieuses à noter, l’idéal de courtisan aux temps du Béarnais et du grand Cardinal » [78].

Bassompierre a été à la fois un grand Lorrain et un grand Français. C’est l’un des meilleurs représentants de ce dualisme lorrain caractérisé par l’attirance pour la France où l’on parle la même langue mais aussi par la volonté de s’en distinguer. Ce n’était pas facile et Bassompierre y a perdu plusieurs années de liberté.

Stéphane Gaber [79].

 

[1] Haroué, Chef-lieu de canton, arrondissement de Nancy.

[2] Nous utiliserons ici l’édition en quatre volumes donnée par le marquis de Chantérac sous le titre Journal de ma vie, Mémoires du Maréchal de Bassompierre. Paris. 1870-1877.

[3] Il existe une bonne biographie de ce personnage par P.-M. BONDOIS, Le maréchal de Bassompierre (1579-1646), Paris, 1925. Sur le maréchal, on peut aussi consulter le Dictionnaire de biographie française (en cours).

[4] J.-C. LOUTSCH, Armorial du pays de Luxembourg, Luxembourg, 1974, p. 210.

[5] E. GASPARD et A. SIMMER, Le canton du fer. Metz, 1978, p. 21.

[6] Ibid., P. 62.

[7] Celle qui figure dans le Dictionnaire de MORERI est assez exacte cependant.

[8] Sur lui, Dictionnaire de biographie française, fascicule XXVI, col. 761-762.

[9] Sur ce couvent. Ch. PFISTER, Histoire de Nancy, II, p. 833 et suiv.

[10] Il correspondait au numéro 27 au temps de Christian Pfister (II. p. 836).

[11] L’immeuble construit à cet emplacement est relativement récent mais, au-dessus de l’entrée principale, les armes des Bassompierre rappellent le souvenir de cette illustre famille.

[12] Cet édifice dont subsistent d’importants vestiges des communs avait encore un aspect tout militaire. Plusieurs documents évoquent en « le donjon » et, sur place, on peut toujours voir des créneaux de tir d’un type intéressant, certains à rotules semblables à ceux que l’on retrouvera plus tard dans la ligne Maginot.

Le maréchal de Bassompierre n’ayant pas eu de descendants légitimes, le château tomba en déshérence. En 1720, le duc Léopold

donna la terre de Haroué à Marc de Beauvau qui fit construire par l’architecte Boffrand l’édifice que chacun connaît et admire.

[13] P.-M. BONDOIS op. cit., p. 12, note 2.

[14] Le Musée lorrain possède une taque de cheminée aux armes de Christophe de Bassompierre et de son épouse. A son sujet, voir : L. GERMAIN, Plaque de foyer aux armes de Christophe de Bassompierre et de Louise de Radeval, Caen, 1888.

[15] Les garçons furent :

— Georges-African qui épousa Henriette de Tornielle en 1610 et mourut en 1632. Il fut inhumé en l’église des Minimes de Nancy, fondée par son père. Ch. PFISTER. op. cit., II, p. 841.

— Jean qui mourut en 1601 des suites des blessures reçues au siège d’Ostende.

Les filles étaient :

— Henriette qui épousa en 1603 Timoléon d’Épinay de Saint-Luc, maréchal de France. Morte en couches en 1609.

— Catherine qui épousa le 21 août 1608 Tanneguy le Veneur, comte de Tillières et de Carouges, ambassadeur en Angleterre.

— Diane qui mourut jeune à Rouen en 1584.

[16] Sur les réîtres, Mém. de la Soc. d’Arch. Lorraine, 1911, pp. 177-308.

[17] BASSOMPIERRE, Mémoires, I, p. 44.

[18] Ibid., p. 45.

[19] Sur ce personnage : J. MASSARETTE. La vie martiale et fastueuse de P.-E. de Mansfeld (1517-1604), Paris, 1930 2 vol.

[20] BASSOMPIERRE, Op. cit., I, p. 69.

[21] . Il a été condamné à mort pour meurtre et exécuté le 29 décembre 1604.

[22] BASSOMPIERRE, Mémoires, I. p. 135.

[23] P.-M. BONDOIS, op. cit., p. 54.

[24] BASSOMPIERRE, Mémoires, I, p. 165.

[25] Ibid., p. 205.

[26] Rapporté par FELETZ, Bassompierre (1579-1646), [s. l. n. n. n. d.], p. 8.

[27] BASSOMPIERRE, Mémoires, I, p. 217.

[28] Il s’agit de Henri II de Bourbon, prince de Condé. Sur lui, on peut lire : Duc D’AUMALE, Histoire des princes de Condé pendant les XVI et XVIIe siècles, tome II, Paris, 1885.

[29] Née en 1593, elle épousa le prince de Condé le 17 mai 1609 à Chantilly.

[30] M. LEVASSOR, Histoire de Louis XIII, édition in-4°. Amsterdam. 1757. I. D. 10.

[31] Sur cette affaire, l’ouvrage du duc d’Aumale cité ci-dessus.

[32] BASSOMPIERRE, Mémoires, II, p. 118.

[33] Vallée du Haut Adda qui commande les défilés des Alpes.

[34] Sur les ambassades de Bassompierre : Ambassade du mareschal de Bassompierre en Espagne l’an 1621, en Suisse l’an 1625, en Angleterre, l’an 1626, Cologne, 1668, 4 tomes en 2 volumes.

[35] A propos de cette ambassade : Négociation du mareschal de Bassompierre envoyé ambassadeur extraordinaire en Angleterre de la part du Roy Très Chrestien l’an 1626. Cologne, 1668.

[36] Voici l’opinion d’Émile Badel « Le maréchal de Bassompierre, par son caractère indépendant, sa gaîté hardie, son intime liaison avec la maison de Lorraine, se fit d’abord craindre du redoutable cardinal qui prétendait écraser à la fois le pape et les protestants, l’Autriche et toute la noblesse de France.

Mais Richelieu n’attendait que l’occasion pour perdre son adversaire ; il la trouva facilement. Bassompierre entra dans différentes intrigues que le cardinal sut habilement déjouer ; et il punit les conjurés avec une sauvage barbarie » ; E. BADEL, Les gloires militaires de Haroué, Nancy, 1896, p. 13.

[37] BASSOMPIERRE, Mémoires, IV, p. 138.

[38] Cité par LEVASSOR, op. cit., III, p. 614.

[39] Sur cette question, notre étude : S. GABER, La Lorraine meurtrie, les malheurs de la guerre de Trente Ans, Nancy, 1969.

[40] Maréchal de France, comte de Nanteuil et surintendant des finances.

[41] Il s’agit de la fuite de Gaston d’Orléans, époux de Marguerite de Vaudémont.

[42] BASSOMPIERRE. Mémoires. IV, p. 152.

[43] Cité par LEVASSOR, op. cit., III, p. 614.

[44] Cité par P.-M. BONDOIS, op. cit., p. 456.

[45] Au moment de la mort de Bassompierre, on avait parlé d’empoisonnement mais l’autopsie n’a rien révélé.

[46] Le village de Bassompierre était encore dans la famille en 1777. Cette année-là, Léopold-Clément de Bassompierre en donna le dénombrement. E. GASPARD et A. SIMMER, op. cit., p. 63.

[47] BASSOMPIERRE, Mémoires, IV pp. 134-135.

[48] P.-M. BONDOIS, op. cit., D. 69.

[49] Rapporté par MAUREL-DUPEYRÉ, Bassompierre en Espagne, Bruxelles. 1856. P. 10.

[50] TALLEMENT DES RÉAUX. Historiettes, édition de la Pléiade. I. p. 600

[51] Ibid., p. 601.

[52] Ibid., p. 600.

[53] BASSOMPIERRE, Mémoires, IV, p. XIX.

[54] BASSOMPIERRE, Mémoires, I, p. 186.

[55] Sur lui Dictionnaire de biographie française, op. cit., col. 765-766.

[56] Elle était la fille du « Grand Guise » Henri Ier (1550-1588).

[57] Voir Dict. de biographie française, col. 766-767.

[58] Il mena une carrière militaire et mourut le 10 août 1648 des suites des blessures qu’il avait reçues au siège de Vietri dans le royaume de Naples. Signalons que l’un de ses descendants fut commandant de la forteresse de Rodemack près de Thionville.

[59] BASSOMPIERRE, Mémoires, IV, p. 140.

[60] Cf. D. Durand qui rapporte l’opinion du père Mersenne : « Il [Vanini]eut quelque accès auprès du Maréchal de Bassompierre qui n’étoit pas autrement chargé de religion ». David DURAND. La vie et les sentimens de Lucilio Vanini, Rotterdam, 1717, p. 52.

[61] Ibid., p. 54.

[62] J.-C. Vanini (1585-1619). Sur lui, D. DURAND, Op. cit.

[63] Publie à Pans chez Perier en 1616, 1 vol. in-8°.

[64] L’abbé Vanini n’a pas su ou voulu se ranger. Réfugié dans le Sud-Ouest, il fut condamné au supplice du feu « après avoir commis de nouvelles impiétés ». Voir à ce sujet : Histoire véritable de l’exécrable docteur Vanini, autrement nommé Lucilio, bruslé tout vif ce quaresme dernier à Tholose, Paris, Soubron, 1619, petit in-8°.

[65] BASSOMPIERRE, Mémoires. IV. p. 191.

[66] Ibid., p. 183.

[67] Ibid., p. 199.

[68] Ibid., p. 217.

[69] Ibid., p. 287.

[70] Ibid., p. 294.

[71] Ibid., p. 283.

[72] Voir en particulier JACOB (Père Louis), Traicté des plus belles bibliothèques publiques et particulières qui ont esté et qui sont à présent dans le monde, Paris, 1644.

[73] Scipion DUPLEIX, Histoire de Henri le Grand, IVe du nom, roy de France et de Navarre, Paris, 1632. Histoire de Louis le Juste, XIIIe du nom, roy de France et de Navarre, Paris, 1633.

[74] Première édition en 1665.

[75] BASSOMPIERRE, Mémoires, IV, p. XXXIII.

[76] A Nancy, la rue Bassompierre se situe dans un quartier résidentiel délimité par les rues Notre-Dame-des-Anges, de Turique, Victor-Hugo et du Grand-Verger.

[77] Il lui a consacré une petite plaquette intitulée : Les gloires militaires de Haroué, Nancy, 1896.

[78] P. M. DONDOIS, Op. cit., p. VII.

[79] Le Pays Lorrain, 1982, pp. 165-175.