LÉOPOLD, duc de Lorraine, fils du duc Charles V, né à Innsbruck en 1679, mort à Lunéville en 1729 ; un des princes les plus accomplis. Son inclination l’entraîna, autant que l’exemple de son père, aux armes, et sa première campagne fit assez voir la réputation guerrière qu’il se serait faite, s'il n’avait sacrifié ses goûts au bonheur de ses sujets (*). La religion, les lois, l’amitié, le bonheur de ses sujets, tout ce qu’il y a de plus sacré sur la terre, occupèrent tous ses instants durant un règne de 30 ans, qui succédait à 70 ans de malheurs. Aussi, de désertes qu’étaient en quelque sorte nos contrées, on vit paraître, en peu d’années, une population nombreuse (**), des bourgades florissantes, des villes décorées par la magnificence de leurs édifices, et enrichies par le rétablissement du commerce ; des chemins spacieux, qui ont servi de modèles aux routes qui furent tracées en France sous le ministère du cardinal de Fleury ; voy. Dupré. Léopold n’était pas moins admirable dans ses conseils, où il faisait présider la sagesse et l’équité la plus austère ; on l’a vu souvent assister au jugement des pauvres : le mérite seul fixait son choix dans la distribution des charges et des emplois. Sous son règne de paix et de félicité eurent lieu l'abolissement du droit d’aubaine, 1702 ; une géographie statistique du pays ; voy. Bugnon ; l’érection du palais de Nancy, de la primatiale, de St. Sébastien, de la Malgrange, des châteaux de Lunéville, d’Einville ; la construction du pont dans les fonds du bois de Haie, entre Nancy et Toul, les murailles qui entouraient la Ville-Neuve de Nancy, de belles fontaines, d 'une foule d’autres édifices publics et de maisons religieuses ; monuments irréfragables de la sage administration de ce Prince, de la paix et de l'abondance qu’il sut faire régner dans ses états.
(*) « Ne vous opposez pas à mes devoirs, dit-il, étant fort jeune, dans le fort de la mêlée Temesvar, contre les Turcs, aux officiers chargés spécialement par l’empereur de veiller sur lui, ne vous opposez pas à mes devoirs, la perte de ma vie serait moins à plaindre que celle de mon honneur : mes frères ne pourraient réparer la brèche qu'une lâcheté ferait à ma réputation. » ¾ Un de ses ministres lui représentait que ses sujets le ruinaient : « Tant mieux, répondit-il, je n’en serai que plus riche, puisqu’ils sont heureux ; ... je serais indigne d’eux si je sacrifiais leur fortune à mes intérêts : si mes peuples sont pauvres, je ne serai jamais riche. Je quitterais demain ma souveraineté, si je ne pouvais faire du bien. Il est à souhaiter, a dit Voltaire, que la dernière postérité apprenne qu’un des moins grands souverains de l'Europe a été celui qui a fait le plus de bien à son peuple.
(**) Elle était si diminuée qu’à la paix de Ryswick en 1697, on ne comptait dans les 31 villes et bourgs de la Lorraine et Barrois que 8419 feux. Charles IV l’avait reçu de ses prédécesseurs dans un bien autre état, puisqu’il put à sa première sortie emmener 17,000 soldats, engagés volontairement.
La couleur de la livrée des ducs de Lorraine était verte : Léopold adopta le rouge en 1719. Pour la croix de Lorraine, elle tire son origine de celle de Hongrie, qui est de gueules potencées aux extrémités. René II la porta à deux croisillons inégaux : ses successeurs l’ont toujours portées de même.
Sous le règne du duc Léopold, ou s'occupa en 1711 et pour la première fois, de rédiger la statistique de la Lorraine et du Barrois : ces duchés avaient une superficie de 1.963.578 hectares, (le département de la Meurthe est dans ce calcul pour 643.500 hectares), ils se composaient à cette époque, de 74.791 feux contribuables, ou 373.955 âmes, (la Meurthe était comprise dans ce résultat, pour 180.679). Lorsque Bugnon travaillait à sa carte, en 1696 et 1697, les lieux ci-après désignés, les principaux et plus anciens du département se composaient, savoir :
Nancy de 1.745 feux ou chefs de familles (7.580 âmes) : en 1733 cette ville avait déjà 19.645 âmes, 1820 : 29.082 âmes, 1827 : 29.122 ;
Lunéville : 225 (975 âmes), 1820 : 11.247, 1827 : 12.378;
Toul : 1.680 (7.250 âmes), 1820 : 7.537, 1827 : 7.507 ;
Pont-à-Mousson : 652 (2.830 âmes), 1820 : 7.005, 1827 : 7.039 ;
Dieuze : 250 (1.080 âmes), 1820 : 3.823, 1827 : 4.044 ;
Château-Salins : 154 (670 âmes) 1827 : 2.851, 1827 : 2.727;
St-Nicolas : 332 (1.440 âmes), 1820 : 2.856, 1827 : 2.927;
Vézelise : 134 (580 âmes), 1820 : 1.679, 1827 : 1.765 ;
Blâmont : 75 (325 âmes), 1.820 : 1897, 1827 : 2.089 ;
Badonviller : 102 (445 âmes), 1820 : 2.028, 1827 : 2.357 ;
Rosières : 271 (1.175 âmes), 1820 : 2.216, 1827 : 2.512 ;
Thiaucourt : 83 (360 âmes), 1820 : 1.244, 1827 : 1.367 ;
On voit que Toul, qui n’a pas ou peu souffert des guerres désastreuses de 1642, des milices de 1741 à 1749, a constamment conservé au même point sa population. On voit encore que Rosières et St. Nicolas étaient alors plus peuplés que Lunéville. On voit enfin, que depuis 1697 à 1827, la population du département s’est presque triplée ; en effet : en 1711 elle était de 180.679 individus ; en 1789, commencement de la révolution, (on ne connaît pas de recensement intermédiaire entre ces deux époques), de 324.812 ; en 1796 de 330.134 ; en 1800 de 338.115 ; en 1801, fin de la révolution, de 349.952 ; en 1806, (voy. Statistique de M. Marquis, an 13), de 365.810 ; en 1820 (voy. Statistique de Michel, 1822), de 380.085 ; et, en 1827 (voyez son annuaire) de 403.038.
[BIOGRAPHIE HISTORIQUE ET GÉNÉALOGIQUE DES HOMMES MARQUANTS DE L’ANCIENNE PROVINCE DE LORRAINE, 1829. P. MICHEL, Juge de paix du canton de Vézelise]